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ET DU BEAU.

la nature s’est enfin échappée de leurs fers ; et nos jardins, sinon autre chose, déclarent que nous commençons à sentir que les idées mathématiques ne sont pas les véritables mesures de la beauté. Et certainement elles le sont aussi peu dans le règne animal que dans le végétal. N’est-il pas, en effet, bien étonnant que dans ces belles descriptions, ces odes et ces élégies sans nombre, que toutes les bouches répètent, qui ont fait les délices des siècles ; dans ces ouvrages où l’amour est peint sous tant de couleurs différentes, où il est décrit avec une énergie si passionnée, n’est-il pas étonnant qu’on ne dise pas un seul mot de la proportion, s’il est vrai, comme certaines gens le croient encore, que la proportion soit le premier élément de la beauté ; tandis que d’autres qualités s’y reproduisent dans mille pensées diverses, et sous une infinité d’images enflammées ? Mais si la proportion n’a pas l’influence qu’on lui suppose, il peut paraître étrange que les hommes se soient, dans l’origine, si fort prévenus en sa faveur. Cela vint, je pense, de la grande prédilection que les hommes ont pour leurs notions et leurs ouvrages ; cela vint de faux raisonnemens sur les effets de la figure accoutumée des animaux ;