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DU SUBLIME

aient fourni des idées propres à perfectionner les premiers. Je suis pleinement convaincu que les partisans de la proportion ont habillé la nature selon leurs idées artificielles, au lieu d’en emprunter les proportions des ouvrages de l’art : j’ai remarqué, en effet, que dans toute discussion sur cette matière, ils quittent le plutôt possible le champ ouvert des beautés naturelles, le règne animal et le règne végétal, pour se fortifier dans les lignes et les angles artificiels de l’architecture ; car les hommes ont un malheureux penchant à se faire, eux, leurs pensées et leurs ouvrages, la mesure de l’excellence en toutes choses. En conséquence, ayant observé que leurs habitations étaient plus commodes et plus solides, lorsqu’étant bâties dans une figure régulière, les parties correspondaient entr’elles, ils transportèrent ces idées à leurs jardins ; ils tournèrent leurs arbres en colonnes, les façonnèrent en pyramides, en obélisques ; leurs haies devinrent autant de murs de verdure ; leurs promenades furent resserrées, avec exactitude et symétrie, dans des carrés, des triangles, et d’autres figures géométriques : ils pensaient que s’ils n’imitaient pas la nature, ils l’embellissaient, et lui montraient ce qu’elle avait à faire. Mais