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DU SUBLIME

plaisir. De tous les animaux, il n’en est pas de plus sociables, de plus affectionnés, de plus aimables ; mais l’amour approche beaucoup plus du mépris qu’on ne l’imagine communément : aussi voyons-nous qu’on emprunte des chiens la dénomination la plus injurieuse ; et cette dénomination est, dans toutes les langues, l’expression du dernier mépris[1]. Le loup n’est

  1. L’auteur fait ici une observation fort juste, sans doute ; mais je pense qu’il eût pu accorder aux chiens les même exceptions qu’il établit en faveur des animaux dont il vient de parler. Du moins dans notre langue, qui est si délicate, ils ne sont pas exclus de la haute poésie : Voltaire en a embelli, j’ose le dire, sa Henriade, quand il compare les ligueurs, qui à la journée d’Ivry fondent de toutes parts sur Bourbon, à des chiens qui poursuivent un sanglier :


    Tels au fond des forêts précipitant leurs pas,
    Ces animaux hardis, nourris pour les combats,
    Fiers esclaves de l’homme, et nés pour le carnage,
    Pressent un sanglier, en raniment la rage.
    Ignorant le danger, aveugles, furieux,
    Le cor excite au loin leur instinct belliqueux ;
    Les antres, les forêts, les monts en retentissent, etc.

    Personne ne s’est avisé de trouver cette comparaison ignoble. À la vérité, le mot de chiens ne s’y rencontre pas ; mais outre qu’il s’agit du mot bien moins que de l’idée, ce mot lui même n’a-t-il pas été anobli par l’élégante poésie de Racine ? Il n’a pas craint de déshonorer sa tragédie la