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DU SUBLIME

france et de jouissanee, l’idée de la souffrance doit toujours l’emporter. En effet, les idées de la douleur, et surtout celles de la mort, affectent si profondément, qu’il est impossible d’être parfaitement libre de terreur, tant qu’on est en présence de tout ce qu’on suppose avoir la puissance d’infliger l’une ou l’autre. De plus, nous savons par expérience qu’aucun grand effort de puissance n’est nécessaire pour nous faire goûter le plaisir ; qu’au contraire, cet effort diminuerait beaucoup notre satisfaction ; car le plaisir, enfant de la volonté, veut être dérobé, et non imposé par contrainte ; aussi nous est-il généralement communiqué par des objets d’une force très-inférieure à la nôtre. Mais la douleur est toujours l’effet d’une puissance supérieure sous certains rapports, parce que jamais nous ne nous soumettons volontairement à la douleur. Ainsi la force, la violence, la douleur et la terreur sont des idées qui attaquent l’ame en même tems. À l’aspect d’un homme d’une force extraordinaire, ou de tout autre animal puissant, quel sentiment devance en vous la réflexion ? Est-ce que cette force vous procurera quelque commodité, quelque plaisir, enfin un avantage quel conque ? Non : l’émotion que vous éprouvez est