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ET DU BEAU.

nous distinguer par quelques qualités excellentes, nous commençons à nous complairez dans des infirmités singulières, des folies rares, ou des défauts remarquables. C’est sur ce principe que la flatterie est si puissante ; car la flatterie n’est autre chose que ce qui fait naitre dans l’esprit d’un homme l’idée d’une préférence qu’il n’a pas. Or, tout ce qui, soit sur de bons ou de mauvais principes, tend à élever l’homme dans sa propre opinion, produit une sorte d’enflure et de triomphe extrêmement agréable à l’esprit humain ; et cette enflure n’est jamais mieux aperçue, elle n’agit jamais avec plus de force, que lorsque, hors de tout danger, nous envisageons des objets terribles, l’ame s’appropriant toujours une partie de la dignité et de l’importance des objets qu’elle contemple. De là vient, comme l’a observé Longin, cet orgueil, ce sentiment de grandeur intérieure dont les passages sublimes des orateurs et des poètes remplissent le lecteur : c’est ce que tout homme doit avoir éprouvé en lisant les ouvrages des grands maîtres.