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DU SUBLIME


SECTION XVII.
De l’Ambition.

Quoique l’imitation soit un des grands instrumens dont la providence se sert pour porter notre nature à sa perfection, cependant si les hommes se livraient entièrement à l’imitation, si chacun se bornait à suivre le cercle tracé par son prédécesseur, il est évident qu’ils ne feraient aucun pas vers la perfectibilité. Les hommes resteraient tels que les brutes, les mêmes aujourd’hui quelles étaient au commencement et quelles seront à la fin du monde. Pour prévenir cette inertie de nos facultés, Dieu a mis dans notre ame un sentiment d’ambition, et cette satisfaction que donne la certitude d’exceller sur ses semblables en quelque chose qu’ils estiment. C’est cette passion qui entraîne les hommes dans toutes les Voies où nous les voyons se signaler, et qui leur rend si agréable tout ce qui excite l’idée de cette distinction. Elle agit avec tant de force, qu’on a vu des hommes très-misérables se consoler par le sentiment même de leur extrême misère ; et il est très-vrai que lorsque nous ne pouvons