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ET DU BEAU.

rôles soient distribués aux acteurs les plus agréables au public ; que rien ne soit épargné pour l’embellissement de la scène et la pompe des décorations ; qu’on réunisse les plus grands efforts de la poésie, de la peinture et de la musique, et quand la salle sera remplie de spectateurs, au moment que leurs ames seront comme suspendues dans l’attente, qu’on vienne annoncer qu’un criminel d’état du premier rang est sur le point d’être exécuté dans la place voisine ; à l’instant la solitude de la salle prouvera la faiblesse comparative des arts d’imitation, et attestera la puissance irrésistible de la sympathie réelle. Je crois que cette opinion, que la réalité donne une sensation de simple douleur, quoique la représentation en donne une de délice, provient de ce que nous ne distinguons pas assez la chose que nous ne voudrions pas faire, de celle que nous serions avides de voir, si une fois elle était faite. Nous jouissons à voir des choses que, bien loin de les occasionner, nous voudrions sincèrement empêcher. Je prendrai, pour exemple cette noble capitale, l’orgueil de l’Angleterre et de l’Europe : je ne pense pas qu’il existe un homme assez scélérat pour désirer qu’elle fût dévorée par un incendie, ou renversée par un