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DU SUBLIME

de ces émotions touchantes et agréables dont ils sont remplis en contemplant la chute du royaume de Macédoine et les revers de son prince infortuné. Une telle catastrophe nous touche autant dans l’histoire, que la destruction de Troie dans la fable. Dans ces circonstances, notre délice s’accroît encore si la victime est un homme vertueux, accablé par une fortune injuste. Scipion et Caton sont deux personnages célèbres par leurs vertus ; mais nous nous intéressons davantage à la mort violente de l’un, et à la perte de la grande cause qu’il défendait, qu’aux triomphes mérités et à la prospérité constante de l’autre ; car la passion de la terreur produit toujours le délice quand elle ne presse pas de trop près ; et celle de la pitié est toujours accompagnée de plaisir, parce qu’elle prend sa source dans l’amour et l’affection sociale. Toutes les fois que la nature nous destine à quelque dessein actif, la passion qui nous y anime est suivie du délice, ou d’un plaisir de quelque genre, peu importe quelqu’en soit le sujet. Comme le créateur a voulu que nous fussions unis du nœud de la sympathie, il a affermi ce nœud par un délice proportionné ; il semble même que ce délice augmente là où la sympathie est plus nécessaire, c’est-à-dire, dans les malheurs de nos