influence à beaucoup près si loin qu’on le croit communément.
Pour mieux nous rendre raison des effets de la tragédie, interrogeons-nous auparavant sur les sensations qu’excitent en nous les calamités réelles de nos semblables. Je suis convaincu que les infortunes et les souffrances réelles d’autrui nous donnent dans un très-haut degré ce délice dont nous avons déjà parlé : car, que la sensation soit ce qu’on voudra en apparence, si elle ne nous porte pas à fuir certains objets, si elle nous sollicite au contraire à en approcher, si elle nous y attache, dans ce cas je conçois que nous devons sentir un délice, ou un plaisir d’une espèce ou d’autre, à contempler des objets de ce genre. Ne lisons-nous pas les récits authentiques des scènes les plus désastreuses avec autant de plaisir que les romans et les poèmes dont la fiction a créé tous les incidens. La prospérité d’aucun empire, la grandeur d’aucun roi ne sauraient, à la lecture, agiter nos esprits