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DU SUBLIME

d’après ce principe que la poésie, la peinture, et les autres arts susceptibles d’émouvoir transmettent les passions d’une ame à l’autre, et souvent font naître le délice du malheur, de la misère, et de la mort même. On a souvent observé que des objets faits pour révolter dans la réalité, deviennent, dans la tragédie et autres fictions pareilles, une source abondante de plaisirs délicats. Cela, pris comme un fait, a été le sujet de bien des raisonnemens. On attribue ordinairement le plaisir que nous prenons à la représentation d’un drame terrible, d’abord à l’idée consolante qui nous avertit que ce n’est qu’une pure fiction, et ensuite, au retour que nous faisons sur nous-mêmes en pensant que nous sommes à l’abri de tant de calamités. Dans les recherches de cette nature, il est une manière de procéder fort ordinaire, et peut-être sujète à erreur ; c’est de rapporter la cause de certaines sensations qui proviennent simplement du mécanisme de nos organes, ou de la manière d’être et du caractère de notre ame, aux conclusions de certains raisonnemens que nous faisons, suppose-t-on, sur les objets qui nous sont présentés. Quant à moi, il me semble que la raison, comme cause de nos passions, n’étend pas son