chose. Dès lors ils étaient libres dans le choix des formes pour leurs façades. Le résultat fut qu’ils se contentèrent de remanier, en les rendant plus riches, les façades de leurs églises romanes. La façade fut traitée à part comme un objet de luxe, qui ne se rattache qu’extérieurement au reste de l’édifice, et qui souvent le dépasse en grandeur.
Dès que l’œil n’est plus ébloui par le luxe des matériaux, sculptures de marbre et mosaïques, qui règne dans le petit nombre de façades de ce style entièrement exécutées (Sienne, Orvieto), il faut reconnaître que ce n’est pas en elles que réside le principal mérite architectonique, justement parce qu’elles sont surchargées d’ornements gothiques déplacés. Dans tout le reste de l’édifice, le gothique nest que peu employé, même comme décoration ; généralement même il est confiné aux fenêtres et aux portes. Depuis le XIVe siècle et même plus tôt, les arcs principaux qui portent le haut de la nef reviennent au plein cintre. Et le haut de la nef même, pourquoi lui aurait-il fallu l’élévation usitée en Allemagne, et qui est le double de celle des nefs latérales ? Cette hauteur était liée dans l’architecture du Nord au faible écartement des piliers. Mais en Italie, avec l’ampleur des proportions, une telle élévation serait matériellement dangereuse et moralement inutile ; et c’est pourquoi la nef centrale n’est exhaussée que juste assez pour assurer à l’église le jour d’en haut. (Dans la cathédrale de Pérouse et à S. Frediano à Todi, les trois nefs sont de même hauteur, comme les églises Sainte-Élisabeth à Marbourg, Saint-Étienne à Mayence, etc.). Les fenêtres, dans les cathédrales du Nord, occupent toute la surface murale et sont proprement la négation même du mur. En Italie, les fenêtres ont pu etre ramenées à des proportions plus modérées ; l’architecture n’y est pas, comme au Nord, asservie à cette idée de n’admettre les surfaces murales que comme étais ; le mur ici et l’espace reprennent leurs droits. — Enfin la structure des piliers montre que les architectes, du moins ceux de l’Italie centrale, étaient capables non seulement de modifier le détail d’après l’ensemble de l’édifice, mais même de le créer de toutes pièces. Les Allemands passés en Italie, comme le maître Jacob, qui fit S. Francesco à Assise et la cathédrale d’Arezzo, s’en tiennent encore dans une certaine mesure aux faisceaux de colonnes du gothique septentrional ; mais les vrais Italiens donnèrent à leurs supports, pour chaque cas particulier, une forme originale.
Il est malheureux que la cathédrale [a] de Milan, le plus célèbre, le plus grand et le plus précieux des édifices gothiques d’Italie, soit précisément, à tous ces égards, une fâcheuse exception. Projetée et commencée dans les derniers temps du style gothique, elle est née d’un accès d’enthousiasme[1] tardif pour le détail du Nord. Visconti, tout-puissant,
- ↑ Peut-être de Jean Galéas Visconti en personne, qui avait beaucoup voyagé.