Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du peuple, avaient une destination bien plus étendue. Ils contenaient non seulement les plus vastes et les plus magnifiques salles de bains, mais aussi tout ce qui peut servir aux jouissances du corps et de l’esprit : des portiques pour la promenade, des salles pour les jeux et les exercices gymnastiques, des bibliothèques (?), des galeries de tableaux, de statues, dont la plupart étaient d’une haute valeur, et aussi des hôtelleries de tous genres.

De toute cette magnificence il ne reste maintenant, à peu d’exceptions près, que des murs de brique, squelette de l’édifice, ces murailles sont, il est vrai, de dimensions si gigantesques et d’une telle étendue, elles apparaissent aussi dans un milieu si pittoresque et si sauvage que, à défaut d’impression artistique, elles laissent une impression fantastique qu’on ne voudrait échanger ni comparer avec aucune autre.

Aussitôt que l’œil est quelque peu familiarisé avec le sens architectural des Romains, il peut sous ce chaos apparent rechercher les traces de !a vie d’autrefois. Elles se montrent surtout dans la paroi des murailles richement variée, évasée en niches profondes avec des demi-coupoles, qui gardent encore çà et là des restes de caissons, et dans la disposition des grandes coupoles. Dans les thermes, elles sont ou si bien entourées par les autres bâtiments, qu’elles s’harmonisent avec les parties rectilignes sans jamais choquer l’œil, ou elles n’ont pas la forme d’une rotonde, mais d’un polygone : d’un octogone, par exemple ; et alors elles servent de transition heureuse aux formes rectilignes, en même temps qu’elles se trouvent en harmonie parfaite avec les niches de l’intérieur. Ainsi sont évitées les deux imperfections que nous avons relevées au Panthéon (page 18). D’ailleurs, cette variété dans la manière de traiter les murailles était un principe bien arrêté et soigneusement observé ; les ouvrages extérieurs qui entouraient la cour des thermes le prouvent encore : leur pourtour forme des demi-cercles, des demi-ellipses, et leur Intérieur a aussi les contours les plus variés. Nom ne savons guère quel aspect présentaient les façades des thermes ; ce dont nous sommes sûrs, c’est que les Romains, à la façon dont ils comprenaient l’architecture, étaient loin, en général, de donner aux façades l’importance exagérée que leur attribuent les artistes modernes. Les temples font naturellement exception. Aux thermes de Caracalla, l’entrée principale doit avoir été un portique comme nous en voyons un à S. Lorenzo, à Milan [a].

Parmi les nombreux thermes de Rome, nous ne mentionnons que ceux dont les restes sont tant soit peu reconnaissables. Les Thermes d’Agrippa [b], derrière le Panthéon, entièrement morcelés et masqués par les maisons des rues voisines, ne sont pas dans cette catégorie. Le grand bâtiment décagone surmonté d’une coupole et appelé à tort Temple de la Minerva Medica [c], non loin de la Porta Maggiore, appartenait à des thermes. Quelle destination avait ce bâtiment dans les thermes, nous n’essaierons pas de le deviner ; il nous suffit qu’ici, dans un édifice datant