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gner. C’est seulement à l’égard de l’eau potable qu’on commence à envier de tout coeur les Romains. À l’époque romaine, chaque ville de province était mieux pourvue d’eau que la plupart des capitales modernes, et même la Rome actuelle, avec ses quatre aqueducs seulement, est, pour les jeux d’eau, la première ville du monde sans comparaison ; pour l’eau potable, elle ne le cède au moins à nulle autre.

Les murailles des villes, les rues et les ponts chez les Romains, tout simples qu’ils sont, se distinguent néanmoins par le même cachet impérissable. Il a fallu un terrible penchant de destruction pendant mille années pour réduire ces monuments aux restes que nous avons sous les yeux. Parmi les ponts, les imposants débris de celui de Narni [a] sont les plus remarquables ; il ne nous reste entier que le pont de Rimini [b], aux cinq arches duquel on peut encore discerner les sacella ou niches décorées d’un fronton ; aux ponts de Rome, les parties antiques mêmes ont un revêtement moderne. Les monuments publics des Romains seraient à coup sûr restés debout en grande majorité, si les éléments seuls avaient agi sur eux, et non la main des hommes. Ceux qui ont eu le bonheur d’être oubliés à temps, comme plusieurs en Arabie et en Syrie, sont incomparablement mieux conservés.


Les édifices publics où l’on se rassemblait offrent par malheur, au point de vue de leur architecture, un sujet de recherches archéologiques plutôt que de jouissances artistiques, si rares sont les débris dont nous avons ici, exclusivement à nous occuper.

Le Portique d’Octavie [c], sœur d’Auguste, situé au Ghetto de Rome, a été récemment débarrassé de constructions qui le masquaient. S’il est un édifice où l’on a dû observer comme il faut et sérieusement la différence entre les portiques de temples et les portiques qui étaient des lieux de réunion journalière, c’est l’édifice dont nous parlons. Dans l’état actuel du seul fragment qui reste, et dont la restauration ancienne est déjà une cause d’erreur, le contraste de l’antique avec son entourage donne du moins une jouissance pittoresque.

Le Forum de Pompéi [d] donne une idée, lointaine il est vrai, du Forum romain tel qu’il était sous la république : une place avec des portiques et des boutiques autour. À Herculanum [e], ce qu’on appelle Forum ne doit pas avoir suffi comme place principale de cette ville importante, et il faut bien plutôt y voir un portique élevé pour une destination particulière.

Quant aux forums impériaux, c’est-à-dire aux bâtiments pour les affaires judiciaires ou commerciales que les empereurs édifièrent dans le voisinage du Forum romanum, il nous reste assez de leurs ruines et de leur histoire pour que l’imagination s’en puisse faire une image approchante. C’étaient de grandes places entourées de portiques, qui renfermaient des temples, des basiliques et probablement aussi nombre d’au-