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niers temps de l’empire comportaient un style aussi déchu. Quant au revêtement de petites colonnes saillantes surmontées de petits frontons, la disparition n’en est guère à regretter.


Nous n’avons à parler ici des portes romaines, toutes de plein cintre, qu’autant qu’elles expriment une idée vraiment artistique ; la porte ordinaire appartient, comme partie du mur d’enceinte, au domaine de l’archéologie. Cependant il faut remarquer ici que, partout où c’était possible, on pratiquait une double porte pour l’entrée et pour la sortie.

La décoration de la Porta Augusta à Pérores [a], pilastres ioniques à l’attique, alternant avec des boucliers, est très ancienne et par conséquent antérieure à cet empereur. La Porta Marzia [b], dont on voit l’arc enclavé dans la muraille de la citadelle, également à Perouse, pourrait bien être un momment des derniers temps de l’empire (?), malgré son apparence primitive qui le fait attribuer au style étrusque ancien.

Quant aux portes de Rome, très peu, et seulement celles qui supportaient des aqueducs, ont été épargnées par les démolitions et les reconstructions du cinquième siècle et des siècles suivants. La double porte, encore très haute, appelée Porta Maggiore [c], avec trois fenêtres, des frontons et des colonnes engagées à l’intérieur et au dehors[1], est la seule dont la valeur monumentale soit remarquable ; les parois de l’aqueduc et les inscriptions en forment la partie supérieure.

Les anciennes portes de Spolète [d] sont de simples arcs ; celles de Spello [e] ne sont guère plus importantes. La Porta de’ Borsari à Vérone [f], datant de Gallien, double porte dont la partie supérieure est percée de niches et de fenêtres richement ornées, fournit, tant par sa disposition que par sa décoration, une preuve concluante de la décadence et du caprice qui au troisième siècle avaient envahi l’architecture. La seule moitié qui nous reste d’une double porte, également de la décadence,

  1. Ces colonnades élevées près des portes et entre elles ne sont pas du temps de Claude mais du troisième siècle, comme le prouvent les chapitaux et !es lignes. Ce n’est pas avec intention qu’on les a laissées brutes en partie : on n’a pu les achever. Si elles étaient du premier siècle, on aurait trouvé le temps et la force de les sculpter ; si on avait négligé intentionnellement de les travailler, on l’aurait fait suivant un plan et non pas irrégulièrement et sans principe. Les architectes du seizième et du dix-septième siècle qui s’autorisèrent de ce monument pour faire les colonnes dites rustiques, se sont néanmoins bien gardés d’imiter les colonnes de la Porta Maggiore telles qu’elles sont. On peut de même se convaincre facilement à l’amphithéâtre de Vérone [g] que les parties brutes du fragment de revêtement extérieur qui n’ont été laissées en cet état que provisoirement. Les couches de pierres sont trop irrégulières pour qu’on ait voulu produire par leur surface brute l’effet vraiment rustique ; car cet effet exige la régularité, principale condition de la solidité qu’elle doit figurer. De même les pilastres inachevés avec chapiteaux achevés devaient servir de modèle aux pilastres rustiques. D’ailleurs, il est incontestable que pour les surfaces planes les Romains usaient parfois avec l’intention de pierres de taille non travaillées ; qu’ils se rendaient bien compte de l’effet particulier qu’elles produisaient ; le mur du Forum d’Auguste à Rome [h] en donne un exemple.