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ner à la dernière demeure une forme digne d’elle, s’est souvent tournée vers le paganisme pour s’en inspirer, et les cimetières de nos pays du Nord n’en sont devenus que plus disparates. L’antiquité ne nous aidera jamais à sortir de la confusion où notre éducation artistique a fait tomber l’architecture funéraire, aussi longtemps que nous lui emprunterons le détail ornemental et non le principe, c’est-à-dire le tombeau commun ; cela s’accomplirait avec des moyens bien simples, si la crémation était adoptée ; mais nos mœurs exigent impérieusement la mise en terre, sans avoir égard au sort qui attend les ossements dès qu’un cimetière reçoit une autre destination, ni à l’abri plus sûr qu’offrirait aux urnes cinéraires la petite voûte où elles seraient enfermées. Depuis le deuxième siècle, quand la coutume de mettre en terre prévalut, l’emploi des sarcophages se rétablit, On les plaçait tantôt à découvert, comme dans le lieu de sépulture des soldats, qu’on voit en forêt, au-dessus d’Albano [a], tantôt dans des caveaux, tantôt dans des monuments funéraires, comme ceux qui avaient servi jusqu’alors. Les tombeaux de la Via Latina contiennent plusieurs de ces sarcophages. Nous parlerons ailleurs des mausolées romains de l’époque chrétienne.


Les monuments d’honneur font la suite la plus naturelle aux monuments funéraires. Nous ne dirons rien encore des statues élevées en l’honneur de grands personnages, qui de leur haut piédestal dominaient les places des villes (voir les piédestaux du Forum de Pompéi, etc.). Nous omettons aussi certaines constructions très défigurées : le monument de la guerre d’Auguste contre les peuples des Alpes élevé à Turbia [b] près de Monaco (aujourd’hui un simple massif quadrangulaire en forme de tour), les trofei di Mario, c’est-à-dire le fronton en trois parties, décoré autrefois de sculptures, d’un château d’eau de l’Aqua Julia à Rome (non loin de S. Maria Maggiore et par derrière) [c], etc. À l’occasion de la sculpture, il sera question plus loin des Colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle [d] ; il suffit de les mentionner ici comme tentatives malheureuses de donner à une quantité énorme de figures en relief aussi peu de support et d’espace que possible. Dans ce but, il a fallu détourner la colonne de sa destination, qui est de soutenir un entablement, et l’entourer de lignes en spirale, c’est-à-dire presque horizontales, qui sont en contradiction directe avec son principe. L’œil même le plus perçant ne peut jouir des sculptures ainsi disposées. Il faut cependant reconnaître qu’au moins le chapiteau est très convenable, en tant qu’ornement au faîte de la colonne et que modèle d’ove avec chapelet, mais il n’a pas été conçu comme transmission de la force de résistance. La Colonne d’Antonin la Pieux [e], qui gît entre les deux monuments, un peu de côté, consistait en un fût de granit sur un piédestal de marbre avec sculptures ; il ne reste que le piédestal, aujourd’hui dans les jardins du Vatican. La Colonne de Phocas [f] au Forum a été enlevée au septième