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Il n’y a rien à comparer à la section de la corbeille par l’abaque portant en son milieu la fleur qui sort de deux petites volutes à feuilles d’acanthe, non plus qu’à la structure des volutes plus grandes qui forment les coins. On doit compléter le revêtement intérieur et extérieur des murailles au fond du portique par les gracieuses guirlandes de fruits, les candélabres, etc., qui les décoraient autrefois. Qu’on se figure encore les trois nefs du portique avec leurs trois voûtes de plein cintre parallèles et richement ornées de caissons. (Le comble de bronze qu’Urbain VIII fit fondre consistait en chevrons invisibles sans forme artistique.) Avant tout, qu’on oublie le petit campanile de Bernini. Avec toute la magnificence imaginable, la simplicité trouve aussi sa place dans ce portique. L’architrave intérieure et extérieure n’a que des lignes, comme il convient ; le seul ornement du dessous est une sorte de cadre ; la corniche extérieure n’a que les parties essentielles. Le cadre de la porte, qui est probablement le même qu’à l’origine[1], est, malgré une certaine richesse, simple dans ses lignes ; la porte de bronze elle-même peut encore être antique, mais d’une antiquité sensiblement plus proche de nous. L’extérieur du monument semble dépouillé d’un ancien revêtement de stuc. Nous devons à cette circonstance la vue du parfait arrangement des briques. Les édifices modernes dont le revêtement tombera n’en laisseront guère voir de pareil. Nous ne pouvons dire si les consoles qui marquent les divers étages sont les mêmes qu’à l’origine.

À l’intérieur, ce qui frappe avant tout, c’est l’unité et la beauté de la lumière qui tombe d’en haut et remplit admirablement de ses rayons et de leurs reflets l’immense rotonde. L’égalité de hauteur et de diamètre, qui n’est certainement pas une loi de l’art[2], concourt cependant à produire ici un charme mystérieux. Passons aux détails. La disposition de la muraille avec ses niches alternativement convexes et carrées doit être presque tout ce qui reste de la construction primitive d’Agrippa. Les colonnes et les pilastres de ces niches ont à la vérité des chapiteaux d’une grande beauté, mais d’une forme moins pure que ceux du portique ; les cannelures trop nombreuses des pilastres (il y en a neuf) indiquent aussi une de ces restaurations comme il y en eut plusieurs du règne de Domitien à celui de Caracalla. Les deux corniches, la supérieure et l’inférieure, peuvent, à cause de leur simplicité, être attribuées avec plus de vraisemblance au temps d’Agrippa, quoique la frise de porphyre donne lieu d’hésiter. Les colonnes et le fronton des autels sont

  1. Nons n’avons plus ou nous n’avons que par debris les magnifiques encadrements de portes antiques. Un de ces encadrements, avec un beau feuillage d’acanthe terminé par des gousses que des oiseaux picorent, etc., se trouve aux Uffizi (portique extérieur [a]). Plus simple, quoique toujours d’une grande richesse, est l’encadrement de porte enlevé au portique d’Eumachia à Pompéi (aujourd’hui au Musée de Naples [b] où il forme l’entrée de la salle de Jupiter).
  2. Lorsqu’on la rencontre dans les cathédrales gothiques, elle n’est sans doute qu’un effet du hasard.