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Titus. (L’arc de Drusus [a], près la porte S. Sebastiano, à Rome, est probablement ainsi nommé à tort, autrement ce serait un exemple plus ancien encore de l’ordre composite.) La juxtaposition des deux rangs de feuilles qui sont la base du chapiteau corinthien et d’un chapiteau ionique de style moins pur, avec quatre volutes de coin, forme un composé sans beauté et sans vie. On conçoit difficilement comment on a pu sacrifier justement le sommet du chapiteau corinthien, si vivant et d’un si bel effet : mais la mode est plus forte que tout.


Dans la revue des monuments d’Italie, qui va suivre, on devra se souvenir que nous écartons à dessein l’archéologie pure, et que nous comptons pour celle-ci sur un complément d’informations par les guides de voyage et autres travaux. Aussi nos remarques préliminaires ne consisteront pas en notices, mais chercheront à établir quelques points de vue généraux.

Les monuments romains de la meilleure époque et même de la période moyenne s’élèvent comme des rois, même à côté des édifices les plus considérables de d’Italie du moyen âge et des temps modernes. La plus petite ruine étend son effet sur des rues entières dont les maisons sont deux ou trois fois plus hautes. Les matériaux employés en sont la première cause ; généralement ce sont les meilleurs que l’on ait pu avoir. Alors on ne bâtissait pas à la hâte les monuments publics, et on ne cédait pas à n’importe quelle considération ; on construisait un édifice selon toutes les règles, ou l’on ne construisait rien. Enfin l’architecture antique, avec ses différentes formes d’un effet plastique et alternées avec art : colonnes, entablements, frontons, etc., peut soutenir la comparaison avec toute autre architecture, même l’architecture gothique telle qu’elle est représentée en Italie.

Mais il faut observer quelques différences d’époque et de procédés. Au temps de la république romaine et même des premiers empereurs, les monuments publics étaient construits en pierre de taille, la meilleure qu’on pût avoir à proximité de la ville. Pour Rome, par exemple, le choix tombait sur le péperin[1] gris-vert ou sur le travertin de nuance jaune. Mais dès Auguste on affectionna tant le marbre blanc, qui venait de plus loin, que peu à peu on le préféra, au moins pour les colonnes et l’entablement, et que l’on revêtit les parois de plaques de ce marbre et d’autres matériaux précieux. Mais les murs mêmes continuèrent à être de brique ou de mortier et de fragments entassés entre deux revêtements de brique.

Pendant tout le moyen âge, les édifices de marbre furent des carrières que l’on exploitait de préférence et à volonté. On y trouvait toutes prêtes les plus belles colonnes, d’une seule pièce en général ; on décora ainsi

  1. On donne le nom de péperin à une roche formée de matières )basaltiques à l’état de wacke et réunies par un ciment de trass (N du Tr.)