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Peut-être, en considérant le profil de chaque partie, un œil pénétrant trouve-t-il que dans tout l’édifice inlay a pas une ligne mathématiquement droite. On pense d’abord à des mesures mal prises, à un effet des tremblements de terre ou à d’autres accidents pareils. Mais la personne qui se place, par exemple, vis-à-vis de l’angle de la façade, à droite, de manière à voir en raccourci la corniche supérieure dans le sens de la longueur, découvrira une courbe de plusieurs pouces qui n’a pu être faite qu’à dessein. La même disposition se rencontre plus loin. Ce sont les manifestations de ce même sentiment qui exigeait le renflement des colonnes, et qui cherchait à accuser partout une vie intérieure, même dans des formes mathématiques en apparence.


On n’est pas d’accord sur l’époque où furent élevés les deux autres temples doriques de Pæstum, qui offrent des caractères certains du style italique ; il est possible qu’ils soient d’une époque très postérieure, où l’architecture dorique était déjà en décadence. Plusieurs auteurs inclinent à les rapporter au style antique et rudimentaire du sixième siècle, d’autres les font remonter à l’époque où Posidonia appartenait aux Lucaniens, à partir du quatrième siècle, ou même plus tard encore, au temps où l’on imitait les formes antiques en les exagérant. En tout cas, l’influence italique est la cause de cette altération des traits fondamentaux du style dorique, car sur le sol de la Grèce il n’y a pas d’exemples à en citer. Et cependant l’impression que font ces édifices est telle, que, sans le voisinage du temple de Neptune, ils seraient comptés parmi les plus beaux monuments de la péninsule italique. Ils sont moins bien conservés, mais du moins ils ont encore tout le portique extérieur et l’architrave sans aucune solution de continuité.

Dans le Temple de Cérès [a] on remarque d’abord une structure des colonnes qui s’écarte aussi du style dorique. Elles semblent d’une matière plus tendre, qui aurait moins de ressort. Cette différence se traduit par l’évasement plus considérable du fût et par le large bourrelet de l’ove (echinus). Ce renflement s’explique par un resserrement tout particulier (le cavet) à l’extrémité supérieure du fût ; mais aussi il devient d’autant plus sensible, que la transition est plus brusque. Cette saillie remarquable de l’ove entraîne un agrandissement proportionnel de l’abaque (les intervalles des abaques sont à peu près la moitié de leur diamètre). L’architrave, plus étroite, est dès lors très bien en rapport avec la force intérieure de la colonne, qui est moindre. À la place des triglyphes et des métopes, qui étaient en pierre plus résistante, on ne voit guère maintenant que leurs places vides. Vers les frontons, autrefois renversés, et reconstruits dans les temps modernes, la corniche est ornée de caissons quadrangulaires que le temps a en partie percés à jour. Du sanctuaire il ne reste guère que les fondements,

Le style dorique paraît encore plus altéré dans la basilique. Malgré