Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie intégrante de la muraille ; ils ne sont donc ni cannelés, ni amincis, ni renflés ; mais ils ont un chapiteau qui contraste d’une manière notable avec l’ove des colonnes, et indique qu’ils supportent une part de la charge. Il ne reste plus rien des solives de pierre et des compartiments creux (caissons), quadrangulaires, qui occupaient l’espace compris entre le portique et le temple. L’entablement du portique se divise, vu aussi de l’intérieur, en architrave et en frise ; seulement cette dernière est tout unie dans le temple de Pæstum. Au contraire, dans ce qui reste de l’entablement du sanctuaire, la frise a ses triglyphes et ses métopes, seulement moins élevés qu’à l’extérieur de l’édifice.

L’intérieur du sanctuaire était autrefois éclairé par une large ouverture du toit, sans laquelle les temples grecs, qui n’avaient pas de fenêtres, auraient été complètement sombres. Dans les temples plus considérables une colonnade intérieure était disposée pour entourer et soutenir ce toit ouvert ; cette colonnade était même à double étage, parce qu’un seul rang de colonnes doriques aurait été trop large et trop massif pour un espace si étroit. Les édifices de la meilleure époque paraissent le plus souvent avoir eu un rang de colonnes ioniques superposé à la colonnade dorique pour marquer nettement la séparation des forces convergentes. Ici, au contraire, la colonnade supérieure est aussi dorique, et même d’un style assez gauche. On dirait en effet que la petite colonne du dessus continue sans intermédiaire la plus grande, qu’elle surmonte, en passant à travers la corniche de séparation. En outre, l’ove de la petite colonne, qui s’étale en une large saillie, n’est pas d’un bon effet[1].

Nous n’avons pu caractériser qu’imparfaitement l’âme de ce merveilleux édifice. Bien que ce temple soit parmi les mieux conservés des monuments de ce genre, il est nécessaire de le reconstruire continuellement en esprit, et de suppléer par réflexion à ce qui manque et ne peut être visible qu’à la piété la plus attentive. Comme il parlerait bien autrement aux yeux, s’il était encore orné de toutes les sculptures du fronton et des métopes, des acrotères[2], avec les guirlandes et les statues, des têtes de lion décorant le sommet de la corniche, des ornements en couleur, aujourd’hui si effacés, et, à l’intérieur, de la statue de Neptune, et des ex-voto des matelots sauvés du naufrage ! Mais dans son état actuel même, le temple nous donne la plus haute idée des facultés artistiques des Grecs.

  1. De plus, il est à remarquer qu’à l’extérieur le triglyphe, de deux en deux, tombe sur l’axe de la colonne ; mais aux extrémités de la frise les métopes deviennent plus larges, de manière à ce que le triglyphe vienne reposer sur l’angle même. À l’intérieur, la corniche qui sépare les deux colonnades superposées consiste en une simple architrave avec une çannelure, car une frise, qui est comme l’emblème des bords du toit, ne serait pas ici à sa place. La corniche de la colonnade supérieure est toute semblable, mais nous ne savons pas ce qui la surmontait autrefois ni comment le bord du toit s’appliquait.
  2. On donne ce nom à des piedestaux, souvent sans base ni corniche, ptacea au centre et aux extrémités d’un fronton pour recevoir les statues. (N. du Tr.)