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linéaires, la main la plus légère et la plus sûre a tout produit librement, et comme par enchantement. Aussi ne manque-t-il pas de lignes un peu tortueuses, et de quelques irrégularités de ce genre.

Il en est de même pour les figures. Le peintre ou bien les reproduisait par cœur, comme le bien commun de l’art grec, ou bien les inventait et les composait pour la représentation spéciale qu’il cherchait. Les grands artistes ne travaillaient pas en ce genre : ce n’est là qu’une des branches moyennes et même un peu humbles de l’art grec, qui est infini. Et dire cependant que, même dans ce genre aux ressources si limitées, avec deux ou trois couleurs au plus, il y a tant à admirer !

Nous avons à distinguer d’abord une espèce plus ancienne : les vases à figures noires sur fond rouge, généralement des fabriques de Corinthe et de Chalsis. Le style, malgré une grande élégance, en est encore embarrassé, et répond plus ou moins au style de la vieille sculpture grecque (v. p. 68 et suit.). À côté de la couleur noire qui domine, il y a aussi du blanc et du violet : les femmes sont en général de teinte blanche, les hommes de teinte noire.

Les vases d’un art plus mûr et même de décadence sont ceux où des figures rouges (clairsemées) sont peintes sur fond noir ; les plus anciens viennent de l’Attique, les plus récents de la basse Italie. Sur les exemplaires les plus récents de ce genre, et en particulier sur les grands vases décoratifs de la basse Italie, par-dessus le fond rouge clairsemé, il y a encore de nombreuses traces d’autres couleurs surpeintes. C’est avec ces derniers (qui l’emportent aussi en nombre) que nous avons le plus affaire.

Les représentations qu’ils contiennent, sur une, deux ou même trois rangées de figures, si c’est une coupe sur toute la partie inférieure., autour du pied, et jusque dans l’intérieur même, sont pour la plupart l’objet de recherches érudites très étendues. C’est là que sont les mythes les plus rares, ceux qui ne sont représentés sur aucun relief, sur aucune peinture de Pompéi. Nous n’avons cependant que peu d’indications sur la main-d’œuvre artistique.

En somme, ce style répond à celui des reliefs grecs. C’est le même développement des formes en perspective, le même principe de coupures, la même façon de conter. Les figures sont pour la plupart indépendantes l’une de l’autre, leur attitude et leur contenance le plus expressives possible. Pour les figures vêtues, les membres étaient d’abord dessinés en esquisse rapide, puis la draperie était jetée par-dessus, et avec juste assez de plis pour exprimer clairement la forme même, et aussi l’allure de la draperie. Les têtes sont traitées d’une façon très sommaire, sans recherche d’expression particulière, sans préoccupation de beauté. Les détails du lieu, sur un fond uniformément noir, devaient être, autant que possible, simples et symboliques. Une étoile signifie la nuit, une petite toiture, une chambre, une paire de coquillages ou de dauphins la mer,