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guerres contre les Daces et contre les Parthes avec les récits de combats de l’Iliade, et l’on verra comme le poète a bien isolé ses moments particuliers et comme il les a préparés, pour ainsi dire, avec un pressentiment supérieur pour l’art futur. L’imperator vainqueur, par contre, demandait que ses hauts faits et ceux de son armée lui fussent présentés avec le plus de réalité possible ; aussi, devant cette masse pesante de la donnée les accessoires et les allusions symboliques, qu’on n’épargnait pas, devaient se perdre entièrement[1].


Nous pourrions passer sous silence un genre particulier d’ouvrages, ceux qui sont sur les innombrables Sarcophages, si la valeur artistique absolue de l’œuvre était seule en jeu. Ces cercueils de pierre sont, en effet, presque exclusivement des ouvrages de l’époque impériale, et même du iie siècle après J.-C., parce que ce ne fut qu’alors que l’usage de brûler les corps se perdit. L’exécution du détail ne peut être réputée réellement bonne que pour un petit nombre de ces monuments, plusieurs sont d’une exécution médiocre, et pour le grand nombre cette exécution est misérable. Cependant, abstraction faite de leur double signification religieuse et historique (en ce que d’abord ils contiennent une profusion de mythes grecs, et ensuite que ces mythes renfermant des allusions à l’immortalité), beaucoup d’entre eux ont indirectement une haute valeur artistique. Dans ces espaces restreints, il y a quelquefois peut-être des réminiscences et des échos de groupes isolés, de groupes de frontons, de frises de temples et de tableaux grecs ; de temps en temps, les plus belles conceptions de la composition grecque apparaissent dépaysées sous cette exécution empruntée. Ensuite, ce n’est presque que là (outre les reliefs grecs du British Museum) que nous saisissons une idée de la suite du récit[2], particulière au bas-relief plus étendu, et la réunion naïve de plusieurs moments d’une histoire. Comme complément, il faut se représenter l’universelle notoriété des sujets : toujours est-il que l’indifférence de l’homme antique à l’égard de toute illusion vulgaire, et son œil ouvert même au moindre signe symbolique l’y invitant, faisaient qu’on n’était pas scandalisé des différences supposées de temps et de lieu, non seulement sur la même image, mais sur la même surface.

Nous ferons suivre, d’après l’endroit où ils sont conservés, la nomenclature de quelques-uns de ces sarcophages, qui sont particulièrement remarquables dans la catégorie de ceux que nous venons d’indiquer.

Au Vatican : Belvédère, dans la salle du Laocoon : le Triomphe de Bacchus [a], vainqueur de l’Inde, une des représentations les plus com-

  1. La copie de quelques parties des colonnes en spirales et d'autres monuments cités, à l’Académie de Saint-Luc (escalier) et à l’Académie de France [b] sont beaucoup plus accessibles à l’œil que les originaux.
  2. Les sculptures des édiiflces impériaux dont nous venons de parler donnent aussi cette idée, mais nous avons vu à quels dépens et sous quelle forme défectueuse.