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Villa Albani [a], salle du bas-relief d’Orphée. Parmi les tragiques, les seuls bustes d’Euripide (en beaucoup d’exemplaires) et de Sophocle sont authentiques ; le buste capitolin de Sophocle est aussi nommé Pindare [b] ; la belle tête de bronze, avec épaules, désignée comme une Sapho [c], au Musée de Naples (3e salle des Bronzes), peut prétendre à ce nom ni plus ni moins que les autres bustes que l’on désigne ainsi. Dans les types des têtes de philosophes, il y en a environ une douzaine d’universellement reconnues pour les fameux orateurs : Isocrate, Lysias et Démosthène, y compris la statue douteuse d’Eschine. De jolies petites têtes d’Épicure, de Zénon, de Démosthène et autres, confirmées par des inscriptions antiques de la plus parfaite authenticité, dans les petits bronzes (2e salle des Bronzes) du Musée de Naples [d] par contre, les bustes d’Héraclite et de Démocrite, dans les grands bronzes (3e salle), sont contestés. Le bel Archytas, au même endroit, est nommé ainsi tout à fait arbitrairement. — Ce qui est certain et important, c’est le double hermès de marbre des deux historiens Hérodote et Thucydide, et le portrait en buste de Zénon dans le même musée [e] (2e corridor). — Il est possible de reconnaître Hésiode dans une statue du Braccio Nuovo du Vatican (no 89) [f].

Aux Uffizi de Florence [g], la salle des Inscriptions renferme, entre autres, un bel Hippocrate, toi Démosthène moins remarquable, un hermès grec sans nom, un Solon excellent, un Alcibiade, ainsi nommé arbitrairement, une de ces têtes généralement désignées du nom de Sapho, et d’autres encore.

Nous dirons sur le compte des meilleurs bustes de cette manière, c’est-à-dire sur ceux qui ne sont pas des reproductions récentes, ce que nous avons déjà dit à propos des statues entières ; ils représentent l’homme transformé comme il devait être dans son être intime, et c’est pourquoi ils méritent la qualification de sculptures, non pas « idéalisées », mais idéales dans le meilleur sens du mot. On n’a pas mis sur les traits du visage quelque chose de reconnu comme beau, mais on y a développé l’idéal individuel caché au fond de chacun de ces hommes.

Peut-être l’art grec avait-il déjà une situation assez difficile lorsqu’il dut glorifier, depuis Alexandre, ses successeurs (les Diadoches), les princes du nouvel empire grec. Il s’agissait là de représenter des contemporains vivants, et quelquefois même des hommes d’un caractère odieux ou méprisable ; ceux-ci voulaient encore être idéalisés d’une manière toute particulière, parce qu’ils se faisaient souvent représenter sous la forme d’une divinité. La sculpture grecque fit là plus que le possible. Sans sortir essentiellement des traits indiqués du sujet, elle les reproduisait d’une dimension et d’une vérité telles qu’ils pouvaient y ressembler dans certains bons moments. La ruse, la basse méchanceté, que nous devinons, p. ex., chez les Ptolémées postérieurs, ne sont pas exprimées ici, parce que le but principal était de leur donner l’expression d’un dieu souverain. Peut-être l’analogie la plus complète dans toute l’histoire de l’art est-