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duelles pouvaient devenir des types pour toute représentation de figure humaine plus élevée. Et, en effet, l’art s’en est tenu longtemps à ces motifs d’ordre supérieur et les a quelquefois reportés sur des hommes qui ont vécu longtemps après.

Considérons d’abord les statues entières, dont un très grand nombre ont été conservées en Italie. Les discussions au sujet de leur dénomination ne nous touchent pas, du moment que, dans le cas particulier, nous sommes certains d’avoir devant nous l’image d’un Grec illustre. Il n’est pas prouvé que quelques-unes de ces œuvres aient été faites du vivant de ceux qu’elles représentent, en sorte que l’art devait créer le caractère tout entier avec ses propres ressources. Pour un plus grand nombre encore, on peut le supposer.

Pendant longtemps, la statue du Musée de Naples [a] appelée Aristide, et maintenant Eschine[1], a passé pour la plus précieuse de ce genre (3e corridor), jusqu’à ce qu’on ait trouvé à Terracine le Sophocles (Musée du Palais de Latran [b]) ; une copie d’Eschine, comme à Naples une de Sophocle, est placée dans le voisinage comme point de comparaison. De ces deux figures, dont le maintien est paisible, qui sont drapées de la même manière, le Sophocle aura l’avantage, ne fût-ce qu’à cause de ses traits plus nobles ; de plus, la draperie d’Aristide a quelques ornements recherchés surtout vers les mains, quelques creux et quelques plis inutiles au-dessus du ventre, tandis que celle de Sophocle n’a que le nécessaire, mais avec beaucoup de grâce et de simplicité ; Enfin, chez Aristide, les plis courent de la hanche gauche vers le genou droit qui avance, et enlèvent ainsi l’équilibre à la figure ; chez Sophocle, ils prennent la même direction, mais ils sont soulevés harmonieusement par le genou gauche qui avance. La boîte et les rouleaux de manuscrits sont à côté du pied gauche d’Aristide, tandis qu’ils se trouvent à côté du pied droit de Sophocle (récemment complété).

Ces deux statues sont d’excellentes copies antiques d’un original du meilleur art grec (IVe siècle). On peut dire la même chose de quelques-unes de celles qui suivent, mais non pas de toutes, puisque les Romains, guidés par la piété historique et littéraire, ont fait exécuter de pareilles statues dans les temps postérieurs, principalement pour orner leurs bibliothèques.

Il faut encore citer quelques œuvres douteuses, telles que l’Alcibiade, le Phocion, (dit aussi Aristomène le Messénien) au Vatican (Sala della Biga) [c] ; ce dernier est une figure de héros barbu, simple et belle, ornée du casque et de la rude chlamyde. On peut la considérer comme une statue aimée et connue d’après sa reproduction en statuette (Galleria de’ Candelabri du Vatican [d] ; — le Tyrtée nu, debout, enthousiaste,

  1. Une répétition du même motif, du temps des Romains, se trouve dans la cour du Palais des Doges à Venise [e], au-dessous de l’horloge.