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sont que de pauvres restes fragmentés d’un trésor de groupes dont notre monde actuel ne se fait aucune idée. Parmi ces lois, il en est quelques-unes qui sautent aux yeux : le beau contraste dans l’attitude des différents individus, l’équilibre du corps, l’action, etc. ; les suppressions et les dissimulations agréables ; la netteté de l’action pour l’aspect de plusieurs ou de tous les côtés, etc, etc. Ce qui est difficile (et possible seulement aux initiés de l’art), c’est le sentiment et la constatation rétrospectives de la mesure dans chaque détail. Nous nous contenterons, à cause de cela, d’indiquer rapidement la valeur artistique des groupes antiques qui existent en Italie, et nous commencerons par les plus simples (quand même l’art aurait peut-être commencé par les plus riches relativement, par les groupes de fronton des temples).

Au genre le plus simple, appartiennent quelques œuvres qui représentent deux figures dans une union d’esprit absolument tranquille. Le trait particulier de ces œuvres c’est que le sujet, la relation des figures entre elles n’est pas assez clairement exprimée pour que le motif soit désigné avec certitude, alors que pourtant l’artiste a eu en vue une attitude déterminée. Cette circonstance nous permet d’élever quelques doutes sur la puissance d’invention des artistes grecs établis à Rome durant le ie siècle av. J.-C. (Pasitélès et ses successeurs), à qui des inscriptions nous font attribuer deux de ces groupes. Cependant, le fait qu’il existe d’une figure de ces groupes, l’Oreste, plusieurs répliques, l’une entre autres par Stephanos, élève de Pasitélès (Casino de la Villa Albani [a], première salle du premier étage, près de la porte), rend plus que probable l’opinion que nous avons affaire à des copies d’un original célèbre de la haute antiquité grecque et non pas à une création de facture archaïque de l’école de Pasitélès. Il en résulterait que le groupe du Musée de Naples n’est que l’assemblage de deux figures qui n’appartiennent pas l’une à l’autre, ce qui nous permettrait d’élever des doutes sérieux sur l’originalité d’invention des autres groupes. L’un d’eux, le groupe de San Ildefonso (Génies du Sommeil et de la Mort, d’après l’explication la plus usitée, doucement appuyés l’un sur l’autre) se trouve aujourd’hui à Madrid ; une copie, entre autres, à l’Académie de France (Villa Médici) à Rome [b].

Un groupe déjà cité du Musée de Naples (3e corridor), d’un travail médiocre, est généralement désigné comme représentant Oreste et Électre [c]. Elle a le bras gauche appuyé sur la hanche, et passe le bras droit sur l’épaule de son frère. Celui-ci laisse pendre son bras droit, et du gauche fait un geste.

Comme ici c’étaient le frère et la sœur, là, dans une œuvre célèbre de la Villa Ludovisi [d] à Rome (salle principale), ce sont, semble-t-il, la mère et le fils que l’on nous représente dans un moment d’exaltation, peut-être celui du départ ou celui du retour. La mère est incomparablement la meilleure figure, non seulement par sa pure expression d’a-