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un esclave scythe d’Apollon qui repasse Ie couteau avec lequel le dieu écorchera Marsyas. Au point de vue du style, cette œuvre se rapproche beaucoup de celles du temps des Diadoches (surtout du Gladiateur mourant) ; ce sont les retouches et un fort polissage qui lui ont donné l’apparenee moderne. Que l’on compare au Rémouleur des œuvres authentiques ou des imitations du xve et du xvie siècle, et l’on verra clairement les différences essentielles de conception et d’exécution. La forme particulière de la tête, la chevelure, l’œil et la bouche devaient caractériser la race de l’esclave, comme c’est le cas pour le Gaulois mourant du Capitole[1].

Quant aux femmes barbares, nous avons déjà dit que les artistes avaient pris pour type les Amazones. Cette observation s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la statue colossale de la Loggia de’ Lanzi à Florence [a], dans laquelle on a cru reconnaître récemment Thusnelda, la femme de Germanicus, ou, ce qui est plus exact, une Germania devicta (Germanie vaincue) ; elle a de commun avec les Amazones la tournure énergique et svelte, ainsi que la forme de la tête ; seules la longue tunique et la chaussure la distinguent d’une Amazone. Quelle douleur profonde, mais contenue, dans cette pose inimitable, ces cheveux épars, ce visage calme aux yeux désolés ! La draperie, particulièrement belle, montre aussi que nous avons devant les yeux une statue de la meilleure époque romaine, provenant sans doute d’um arc de triomphe érigé par un prince de la maison d’Auguste.


Dans toutes les collections italiennes, on trouve un grand nombre de statues d’enfants ; il y en a bien en tout plusieurs centaines. Ce devait être la décoration préférée des maisons et des jardins antiques, et l’on peut imaginer les niches, les fontaines, les charmilles ornées surtout de ces petites statues. Elles se distinguent toutes des statues modernes de ce genre par l’absence de rêverie et de sentimentalité que nos artistes aiment à prêter à l’enfane ; ces figures antiques ont toutes un air amusant, espiègle et joyeux, même querelleur ou fripon ; elles respirent toutes surtout la vigueur et la santé, qui devraient être le caractère principal de l’enfant. Un motif traité volontiers est la lutte et la victoire d’un bambin sur de petits animaux. — C’est par exception que le travail s’élève au-dessus de la valeur d’une œuvre décorative ; mais on reconnaîtra que le plus souvent l’idée est originale et heureuse. La plupart de ces figures d’enfants se trouvent à Rome, au Musée Chiaramonti [b] et dans la Galleria de’ Candelabri [c] au Vatican ; il y en a d’excellentes au Museo Capitolino [d] et à la Villa Borghese [e] ; un certain nombre de moins importantes au Palais Spada [f], et en d’autre endroits ; le

  1. Il y a plus d’un siècle, le savant Gori a vu, chez un sculpteur de Florence, une réduction en argile de l’Arrotino, qu’on disait être de Michel-Ange « qui avait heureusement corrigé les fautes de l’original » (Muséum florent., III, p. 95) C’est Gori qui, le premier, a émis le soupçon de modernité et cherché à le motiver.