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tanti, des riches amateurs qui faisaient construire, deux chapitres sont consacrés aux restes de l’art antique en Italie, aux études faites d’après les maîtres anciens tels que Vitruve, et enfin aux nouveaux théoriciens de la Renaissance, Battista Alberti, Serlio, Polifilo. Puis vient une analyse, singulièrement fine et profonde, des diverses formes architecturales et des divers ordres, une sorte de morphologie des colonnes, des piliers, des pilastres, des chapiteaux, des frises, des corniches, qui fait de ces membres de l’architecture comme les parties d’un organisme vivant. Et voici, en effet, les organismes dont ils sont destinés à être les éléments : l’église, le cloître, le palais, la villa, le jardin. Un appendice étendu qui est, au fond, la seconde division de l’ouvrage, est dédié à la décoration, ce détail, ce raffinement de l’art où la Renaissance excelle, depuis les arabesques de pierre et les incrustations de marbre, les mosaïques des pavés, les boiseries des sacristies, les grilles de bronze des chapelles, jusqu’aux stucs des plafonds et aux peintures des façades. Burckhardt a ramassé dans cette œuvre les trésors de science et d’observation qu’il devait à ses voyages, à son expérience, à sa méditation sur les sujets d’art. Il y montre aussi, avec une passion secrète qui donne de la vie à son style, des goûts, des prédilections, où l’artiste se trahit. Burckhardt est, en architecture, un classique d’ordre composite. Il aime la mesure, l’harmonie, l’articulation nettement accusée par le pilier, le pilastre, la corniche. Bien que sensible à la grâce et au charme de la décoration, il préfère la ligne, l’ensemble, la justesse facile des proportions. Mais il est une forme entre toutes qui l’a séduit : c’est la coupole. Aussi l’architecture romane et la Renaissance tardive se trouvent-elles étroitement associées dans ses sympathies. L’église ronde de San Lorenzo à Milan, San Salvatore à Venise, la chapelle des Pazzi dans le cloître de Santa Croce à Florence, Santa Maria di Carignano à Gênes : telles sont ses architectures favorites. C’est dire son admiration toute particulière pour Palladio et ses élèves, pour les églises de Venise et les palais de Vicence. Dans l’histoire de l’art, au moins en Italie, il paraît assez disposé à penser que le gothique, qui y est, sauf à Milan et à Sienne, peu connu, peu compris, a été surtout un arrêt, un obstacle ; — et que la Renaissance elle-même n’a vraiment