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Dans le beau bas-relief grec, salle 4 du Palais de Latran [a], Médée porte aussi le costume asiatique.

L’art donna un tout autre caractère aux esclaves (scythes ?), que l’artiste a représentés le plus souvent avec une intention comique. Ce sont des figures vieillottes, à la fois niaises et rusées, qui semblent bégayer et vaciller sur leurs jambes, telles qu’elles devaient en Grèce servir à l’amusement de la maison. Parmi ces figures, citons le prétendu Sénèque du Louvre, ainsi que l’esclave à la baignoire dans la 'Vatican Galleria de’ Candelabri du Vatican [b], etc. Il y a aussi quelques têtes vraiment parlantes : on croirait entendre le bégaiement sortir de la bouche ouverte de l’esclave étranger. Les esclaves bouffons étaient aussi, pour les petits bronzes, un sujet favori ; il y en a plusieurs aux Uffizi (2e salle des Bronzes [c], 6e vitrine). — (Pour le Rémouleur, de la Tribune de Florence, voir ci-dessous, p. 129).

Enfin les Grecs et les Romains représentaient leurs ennemis ou combattant ou vaincus. Le type adopté en ce cas par l’art grec n’était pas celui des Perses, mais celui des Celtes, dont une invasion avait épouvanté au iiie siècle av. J.-C. la Grèce et l’Asie Mineure. Les victoires que l’on remporta sur eux ont été immortalisées par des monuments dus surtout aux rois de Pergame, amis des arts, et qui plus que tout autre eurent à les combattre[1].

Au point de vue antique, le caractère distinctif des Barbares était, pour le corps, l’absence de cette grâce et de cette noblesse que lui donne la gymnastique pour l’esprit, un embarras voisin de la stupidité. Quelle était dans ce jugement la part du préjugé et la part de la vérité, cela n’importe guère. Il suffit que les statues qui nous restent représentent des têtes et des corps nus dont le développement a des gradations différentes, bien que le type fondamental se reconnaisse toujours.

De l’école de Pergame il existe à Rome deux chefs-d’œuvre originaux : le Gladiateur mourant (au Museo Capitolino [d], dans la salle qui porte son nom) et le Barbare et sa femme dans la salle principale de la Villa Ludovisi [e]. (On a reconnu depuis longtemps que ces figures ne représentent ni un gladiateur, ni Arria et Pætus.)

L’une et l’autre sont des figures d’hommes nues, empruntées probablement à des copies de motifs isolés qu’on a tirés de groupes célèbres de batailles. Dans le Celte expirant, la vérité du moment, c’est-à-dire de la dernière lutte contre la mort, est exprimée d’une manière admirable et par les lignes les plus nobles ; si les Niobides n’existaient pas, on dirait qu’il est impossible de tomber d’une manière plus belle que ce Barbare mourant. L’artiste fait ressortir avec un soin particulier le caractère barbare (ou considéré comme barbare), afin que personne ne crût voir tomber un héros grec. Les formes de la poitrine, du dos et des épaules

  1. Voir aux additions, à la fin de cette partie.