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origine étrangère, plusieurs divinités perdirent leur belle forme artistique Cette dégradation atteignit d’abord Isis. Elle est à peine reconnaissable ; dans un buste colossal du Vatican (Musée Chiaramonti) [a] ; les traits sont rigides et désolés sous un voile épais qui rappelle son antique coiffure égyptienne, et un lourd collier tombe sur la poitrine.

Comme un spectre ou un masque grossièrement travaillé apparaît la tête de la « grande mère » (Cybèle) placée dans le corridor du bas du Museo Capitolino [b]. Le culte du iiie siècle n’avait plus besoin des belles formes de l’art, que l’on n’avait d’ailleurs jamais prises pour modèles, même dans les meilleures figures de Cybèle (Cybèle sur un lion, à la Villa Pamfili à Rome [c] ; une petite Cybèle assise, au Musée de Naples [d] salle 3). Sur la belle tête qui lui fait face, on a placé arbitrairement la couronne murale ; une copie de cette tête, sans attributs, se trouve dans la salle des Muses de la Villa Borghese [e][1].

Pour donner une idée de l’histoire déplorable de l’art romain des derniers temps, nous citerons encore quelques-unes de ces œuvres difformes : l’Anubis à la tête de chien, revêtu d’une toge romaine (Musée de Naples [f], salle égyptienne) ; les Éons (Bibliothèque du Vatican) [g] ; la Diane d’Éphèse, aux nombreuses mamelles (Galleria de’ Candelabri au Vatican) [h] ; la même avec un corps jaune, la tête et les extrémités noires (Musée de Naples [i], salle 1 ; Palais de Latran [j], salle 11) ; la même, en marbre blanc avec ornements noirs (Café de la Villa Albani [k]), etc.


L’art antique a personnifié l’étranger, le Barbare, en trois types qui restent invariables sous la diversité des motifs.

Le type le plus noble est celui de l’Asiatique et en particulier du Phrygien. Dans les œuvres anciennes, par exemple, les Troyens que l’on voit dans les groupes sculptés par les artistes d’Égine, l’Asiatique ne se distingue des figures du monde classique que par le caractère du costume : tunique à manches, braies et bonnet phrygien. Plus tard, lorsqu’on unit l’idée de mollesse à tout ce qui était asiatique, les manches et les braies s’élargirent et eurent des plis nombreux, et l’on y ajouta, un ample manteau. Tel est le Pâris assis du Vatican (Galleria delle Statue) [l], œuvre très heureusement conçue, mais d’une exécution insignifiante. (Sur Pâris enfant, v. plus haut.) Pour les divinités asiatiques qui furent admises par le culte romain, l’art adopta plus tard ce type depuis longtemps consacré, comme le prouvent les groupes nombreux qui représentent Mithra à genoux sur un taureau (le meilleur est celui du Vatican salle des Animaux [m] ; bas-reliefs dans un grand nombre d’endroits) La même observation s’applique aux figures d’Attys. (Celle des Uffizi [n], corridor 1, est fortement restaurée et retouchée.)

  1. Ce n’est pas sûr que ces deux têtes représentent Cybèle.