Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’épaisseur et la finesse des tissus, l’agencement des plis se recouvrant les uns les autres, sont rendus avec un art achevé, mais sans fausse virtuosité ; on voit toujours (au moins dans les meilleures œuvres) que l’artiste était préoccupé avant tout de faire ressortir la beauté des formes sous la draperie et que l’élégance n’était qu’un moyen pour atteindre ce but.

Ici, il faut citer avant tout une figure énigmatique (bien romaine), la Pudeur. De la main droite, elle saisit, près du cou, le voile, dont l’extrémité tombe sur son bras gauche, qui s’étend vers la droite. Veut-elle se voiler ou vient-elle de se dévoiler ? Le regard hésite et reste dans une agréable incertitude. L’épaule droite retirée en arrière[1] et la pose des pieds contribuent au charme de l’impression. Le plus bel exemplaire se trouve au Broccio Nuovo du Vatican [a] ; la tête est complétée, un autre, plus médiocre, dans la cour du Belvédère [b], d’autres encore en différents endroits. Parmi les autres nombreux motifs, toujours plus ravissants et plus expressifs l’un que l’autre, nous citerons, par exemple, celui où le pan du péplum revient d’abord sut la poitrine, puis sur l’épaule, pour s’arrêter enfin sous le bras (v. p. 105, A). De tous les exemplaires, l’un des plus beaux est la figure restaurée comme Euterpe, à la Galleria delle Statue du Vatican [c].

Un autre problème encore est résolu dans la Porteuse d’amphore voilée (Museo Capitolino [d], salle du Gladiateur mourant). On l’a prise pour Pandore ou Psyché avec la boîte, pour Tuccia avec le crible, etc. Mais on y voit avec plus de raison une jeune fille portant des objets sacrés dans un cortège solennel. Pour nous, cette statue, d’un travail superficiel, est, en tout cas, un essai louable d’exprimer une attitude et un geste nouveaux dans une figure drapée avec des vêtements de fête. En tout cas, c’est, dans la même salle, laFlore [e] qui attire tout d’abord les regards. C’est une belle Romaine, dont la tête est ceinte d’une couronne, Par-dessus la fine tunique est un péplum d’un genre particulier conçu probablement en vue de l’effet : l’ouverture supérieure est si large, qu’au premier mouvement il tomberait sur les bras ; l’étoffe en est lourde, et forme des « yeux » si profonds et si ombrés, qu’on n’en voit guère de pareils dans une autre draperie antique ; en somme, la figure donne l’impression d’un modèle bien drapé[2].

Parallèlement aux figures masculines en toge, il y a une série de figures imposantes de femmes qui prient ou qui font des offrandes. Nommons la Piété [f] du Musée de Naples (3e salle des Bronzes), moins à cause de l’exécution que de sa parfaite conservation. La tunique est très simplement traitée ; le motif principal est l’ample manteau qui enveloppe toute la figure avec la tête ; les bras sont étendus ; les deux extrémités principales sont retenues par le coude gauche et descendent en deux

  1. Ce qui ne doit pas être considéré comme la reproduction d’un modèle étroit d’épaules.
  2. Brunn suppose que c’est l’imitation exacte d’un original en bronze.