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Aux Uffizi de Florence (corridor 1), une statue restaurée qui portait à tort ou à raison le nom d’Uranie [a], dont le péplum est majestueusement drapé sur la poitrine, puis rejeté sur l’épaule et revient enfin en avant sous le coude, qui le retient. Tel est aussi le vêtement de la prétendue Euterpe du Vatican [b], Galleria delle statue (no 400). La tête est belle et authentique. Au même endroit (Uffizi [c]), dans la même série, se trouve une statue qu’on nomme Calliope.


À propos des Muses, il faut parler surtout de ces nombreuses statues féminines qui sont comprises sous la dénomination très large de Statues drapées. Si l’on en faisait une énumération critique, ce qui n’est pas notre prétention, il serait indispensable de rechercher à quelles figures divines ou humaines se rapportaient les différents types de draperie. La difficulté d’une pareille recherche est évidente, si l’en pense que la plupart de ces statues ont été trouvées sans mains ni attributs, quelquefois sans tête ou avec des têtes qui leur avaient été données arbitrairement dans l’antiquité même, — qu’enfin l’antiquité déjà se servait pour les portraits de types de divinités. Toujours est-il qu’un certain nombre de poses et de motifs de draperie, surtout ceux qui appartiennent à l’art grec des temps postérieurs, ont fait autorité et ont été sans cesse reproduits à cause de leur beauté.

Le chœur des Muses, surtout, dans les différentes conceptions que nous pouvons retrouver, a fourni une série de très beaux modèles pour les draperies de la statuaire, de sorte que, à la seule vue d’un torse, il est diffcile de décider si l’on a devant soi une Muse ou un portrait dans le style des Muses. Outre cela, il se trouve dans le nombre des statues drapées certaines poses et certaine motifs de draperie particuliers aux déesses, aux personnifications symboliques, aux prêtresses, aux jeunes filles qui formaient le cortège des fêtes, et même à de véritables figures de genre ; plus d’un sujet aussi a son origine dans l’art du portrait, et représente des costumes grecs ou romains idéalisés. Si toute l’antiquité n’avait pas légué d’autres œuvres d’art, ces torses drapés (même ceux qui sont de faibles imitations de bons modèles) nous donneraient déjà une très haute idée de l’art ancien. Il n’est pas d’attitude calme et majestueuse, ou simple et gracieuse, de la femme vivante qui n’ait trouvé son expression dans le vêtement tantôt magnifique, imitât modeste. Le port et la draperie seraient beaux chacun en soi, mais c’est la supériorité de l’art antique de les avoir conçus comme inséparables, si bien que l’un n’existe pas sans l’autre. Parmi les motifs les plus riches, il faut remarquer la suppression partielle du contraste entre la tunique et le péplum, te vêtement de dessous apparaissant à travers celui de dessus ; cette particularité se trouve déjà appliquée à diverses attitudes, pour les Muses. Bien loin de l’artifice qui, par exemple, au siècle dernier, entraînait certains sculpteurs à la difficile poursuite de l’illusion, ici le contraste entre