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tions d’Italie de bonne statue[1] de la Victoire ou Nikè, quoiqu’il y en ait eu autrefois d’excellentes, la plupart en airain ou en métaux précieux, aussi bien debout que planant, c’est-à-dire semblant marcher sur la pointe des pieds, le vêtement flottant à la manière de Diane, déesse de lumière[2].

Un exemplaire médiocre du dernier genre, mais qui laisse entrevoir un bon modèle, est exposé aux Uffizi [a] (1er corridor) ; un autre, du premier genre, au Palais Riccardi [b] (vestibule de l’Academia della Crusoa). — On trouve d’autant plus de « Victoires » en bas-reliefs et en peinture ; les plus belles sur l’Arc de Titus [c] ; un bas-relief au Vatican [d] et sa reproduction aux Uffizi [e] (voir plus bas : Reliefs). Quelques petites figures en bronze donnent la meilleure idée des Victoires planantes ; on en voit une excellente au Musée de Naples [f] (2e salle des Bronzes) ; une autre aux Uffizi [g] (2e salle des Bronzes, 4e vitrine) : cette dernière a, comme celles de l’Arc de Titus, les jambes nues, ce qui exprime la rapidité de ses messages. Les exemplaires de moindre importance sont assez nombreux.


À cette occasion, il faut encore mentionner une femme célèbre dans la mythologie, trop souvent figurée en sculpture : je veux dire Léda avec le cygne. Il n’est pas besoin de décrire en détail les statues dont il est question ; non seulement elles ne parlent pas vivement aux sens, mais elles sont presque toujours si languissantes et si ennuyeuses qu’elles ont été admises sans obstacle dans la plupart des collections, raison pour laquelle on les trouve partout. Le cygne ressemble parfois plutôt à une oie, aussi a-t-on cherché d’autres interprétations ; mais ceux qui font attention aux cas où l’animal est figuré plus petit admettront peut-être avec nous qu’il y a à cela la même motif esthétique qui a fait donner une petite taille à la panthère de Bacchus.


Si les statues féminines qui viennent d’être énumérées illustrent une donnée mythologique, une autre série, celle des Muses, nous montre avec quelle liberté d’allure les Grecs savaient vivifier les symboles, et dans quelles limites ils se sont renfermés. Au lieu de s’efforcer péniblement de caractériser chaque Muse, de la tête aux pieds, selon l’art auquel elle présidait, ils se contentaient d’attributs, et se bornaient pour les figures mêmes à l’expression générale de beauté féminine idéalisée. Aussi est-il presque impossible de réussir à restaurer des statues de Muses brisées, si l’on n’a devant les yeux un modèle avec les attributs que l’artiste lui a

  1. Pour ce qui est de la Victoire du Museo Patrio à Brescia, nous avons déjà donné une explication à propos de la Vénus victorieuse (voir p. 95, B).
  2. Les Victoires trouvées récemment à Olympie et à Samothrace sont au nombre des plus belles œuvres de la plastique grecque ; les deux statues sont en marbre. Celle de Paiamios à Olympie est de la fin du ve siècle ; celle de Samothrace (actuellement au Louvre) est d’environ 300 ans av. J.-C.