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accusée par une main moderne ; de plus, la dorure primitive des cheveux, les pendants d’oreilles, et les orbites des yeux en couleur ont disparu. Pour tout ce qui reste, nous ne voulons pas gâter par une énumération l’une des plus grandes jouissances que l’Italie peut offrir.

L’attitude de la Vénus de Médicis, reproduite dans des formes tantôt virginales, tantôt plus mûres, était un des motifs préférés des artistes. Un grand nombre de copies, qui ne sont généralement que des figures décoratives, se trouvent partout ; deux de ces œuvres plus grandes que nature, dont l’une a pour soutien, par derrière, un vêtement qui la drape, se trouvent dans le premier corridor Uffizi [a]. Leurs formes vides offrent un sujet intéressant de comparaison peur ceux qui veulent se convaincre de la perfection de la Vénus de Médicis.

Ce type se prêtait à l’imitation dans une foule de poses variées. Il fallait que la déesse s’éloignât le plus possible du caractère d’une image sacrée et devînt simplement une belle jeune fille, pour que l’art pût la traiter en toute liberté. Mais dans les œuvres les meilleures elle est toujours Vénus et s’élève bien au-dessus de la sculpture de genre.

Nous nommerons d’abord la Vénus accroupie, dont le plus bel exemplaire (Vatican, Gabinetto delle Maschere) [b] porte le nom de Bupalos. C’est sans doute l’artiste qui vivait au VIe siècle avant J.-C., mais son nom n’a été écrit que sous l’empire romaine ; d’ailleurs, la statue et l’inscription n’ont aucun rapport. Ce n’est pas la Vénus sortant de la mer : elle se baigne seulement ; la base porte encore, dans ses parties antiques, l’indication des vagues sur lesquelles repose la déesse : l’art grec n’aurait jamais, pour produire une illusion d’un réalisme vulgaire, caché la moindre partie du corps sous l’eau. Malgré des restaurations très importantes, la manière dont les membres se superposent et dont leurs lignes se coupent est encore d’une beauté qu’on ne peut surpasser. Le corps, qui semble traité avec facilité, est plein d’une vie très noble ; l’épiderme est malheureusement endommagé, la tête est retouchée (?). Un exemplaire médiocre et très restauré est aux Uffizi de Florence [c] (corridor de communication) ; un autre au Musée de Naples [d] (salle 2).

Nous nommerons ensuite la Vénus Kallipyge [e], au Musée de Naples (corridor 3). La tête et plusieurs autres parties sont récentes et mauvaises, mais le reste est d’une perfection remarquable et d’un charme raffiné. L’intention de toute cette figure la fait descendre au rang des œuvres voluptueuses, je dirais presque obscènes. La manière dont la draperie est disposée comme soutien et comme fond, sur lequel se détachent les formes nues, est très ingénieuse.

Il en est de même de deux charmantes petites figures de bronze exposées dans la même collection [f] (Petits Bronzes, salle 3), et à Florence [g], aux Uffizi (salle 2 des Bronzes, vitrine 2) : une Vénus ôtant ses sandales et une Vénus en train de s’essuyer. La pose de la figure appuyée sur une jambe et combinée avec un mouvement très gracieux