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qui s’élève, isolée, au-dessus de la fontaine du Capitole [a]. — En revanche, le relief de l’escalier de la Villa Albani est bien authentique [b]. Roma, avec une svelte stature d’Amazone, un vêtement court qui descend aux genoux, le casque en tête, trône sur des trophées. L’exécution n’est pas précisément spiritualisée, mais le caractère de la déesse victorieuse, toujours en armes, toujours prête à s’élancer en avant, est heureusement rendu. La colossale statue assise [c] qu’on voit dans le jardin de la Villa Médicis doit également être une Roma. À cette occasion nous citerons encore quelques personnifications de lieux, des provinces aussi ont été parfois incarnées dans des figures sur des monuments élevés en l’honneur d’une victoire. Des œuvres les plus importantes de ce genre, on n’a conservé qu’un certain nombre de figures de haut relief : s dans le bas du Museo Capitolino [d], une dans la cour du Palais des Conservateurs, plusieurs au Musée de Naples [e], salle 7. Ce sont des décorations romaines sans vie. Sur un célèbre autel, provenant de Pouzzolanes (Musée de Naples, salle de Tiberius), quatorze villes d’Asie sont représentées par des figures allégoriques de femmes [f]. On comprend que l’art a dû, en ce cas avoir recours aux attributs ; ajoutons que le marbre est dégradé par le temps. Les villes étrusque Vetulonia, Vulcie, Tarquinies, sont représentées sur un relief du Palais de Latran [g]. Tout cela mérite à peine l’attention à côté d’une merveilleuse petite figure du Vatican (Galleria de’ Candelabri) qui personnifie Tychée, déesse protectrice d’Antioche [h]. Elle est assise, entièrement vêtue, sur un rocher qui soutient son bras, et elle croise les pieds. Au-dessous d’elle, le torse nu du dieu du fleuve l’Oronte. C’est l’imitation d’une œuvre exécutée du temps des successeurs d’Alexandre ; elle est d’Eutychidès de Sicyone, un élève de Lysippe. Ici, enfin, c’est avant tout une belle figure vivante qu’on a représentée et les symboles géographiques ne sont que l’accessoire. À Antioche, où s’élevait l’original, chacun savait bien de quelle déesse c’était l’image. Deux petites copies de bronze [i], d’une authenticité douteuse, sont aux Uffizi (2e salle des Bronzes, 4e vitrine).


Les Amazones ont une parenté bien accusée avec Pallas Athénè ; quant à leur type, dans l’incarnation la plus haute, peut-être même définitive il est l’oeuvre du même grand sculpteur qui a réalisé l’idéal de la déesse d’Athènes, Phidias. La magnifique pensée d’exprimer la force virile dans un corps de femme appartient tout à fait à l’époque du grand art, de même que l’art dégénérant en grâce et en coquetterie est caractérisé par la création d’Hermaphrodite, qui par l’attrait sensuel des deux sexes réunis avait la prétention de réaliser un idéal supérieur. — La légende de ce peuple de guerrières asiatiques et de ses combats avec les héros grecs fut seulement l’occasion d’un haut problème artistique que Polyclète, Phidias, Krésilas et autres résolurent chacun à sa manière.