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droite est appuyée sur la hanche saillante ; le regard se dirige en avant et exprime la méditation. Le travail est simple et encore très habile.

Celui qui veut se convaincre davantage comment l’art grec savait exprimer la parenté idéale, tout en observant les différences de types, n’a qu’à comparer la tête de Neptune (Poséidon) (Vatican, Musée Chiaramonti) [a] avec le Jupiter d’Otricoli. Les traits originaires sont les mêmes chez les deux frères, mais l’expression du dieu de la mer est inquiète, d’une sévérité qui touche à la colère ; la chevelure est emmêlée et humide. Il y a une statue en pied, mais très insignifiante comme travail, au Vatican, Galleria delle Statue [b], une autre, restaurée à faux. an Palazzo Altempa [c], une troisième, intéressante, au Musée de Latran [d] ; avec une teinte de mélancolie le souverain de la mer regarde paisiblement devant lui ; son torse puissant est penché sur le genou, sa main gauche tient le trident.

Les autres dieux des grandes eaux, dont on excepte les tritons et les divinités des sources, sont aussi en grande partie de la race de Jupiter et lui ressemblent, mais avec un caractère de dépendance et une expression satisfaite, ou triste, ou hideuse. Ils ont la chevelure puissante du roi des dieux, mais elle ne flotte pas, elle est emmêlée ou retombe humide ; ils ont son front saillant au milieu, mais plus bas, sa barbe, mais sans boucles, mouillée et souvent parsemée d’écailles ou même de petits poissons ses lèvres nobles, mais avec une expression bornée. Leurs formes, quand ils sont représentés autrement qu’en bustes ou en masques, sont très puissantes et larges, et se développent, dans leur position couchée et tant soit peu appuyée, avec une majesté remarquable.

La plus belle de ces figures est le Nil (au Vatican, Braccio Nuovo) [e] ; elle date probablement de l’époque d’Auguste, qui, on le sait, réduisit le premier l’Égypte sous sa domination ; mais le motif remonte bien au temps des Ptolémées. Symbolique enviable des anciens, qui personnifiaient les seize coudées dont le Nil s’élève chaque année, par seize génies des plus gracieux ! Ils grimpent joyeusement sur le dieu et jouent avec le crocodile et l’ichneumon, l’un même sort sa tête de la corne d’abondance, leur espièglerie est comme une autre manière d’exprimer la calme sérénité du puissant dieu du Nil. Il faut aussi remarquer sur la base la représentation du courant.

L’excellente statue du Tigre au Vatican (Sala a croce greca) [f] offre un intérêt particulier de contraste à cause de la tête restaurée par Michel-Ange ou par un de ses élèves.

Dans la cour du Musée Capitolin est placé un dieu des eaux, le colosse habituellement nommé Marforio [g] ; c’est probablement une statue du Rhin exécutée sous Domitien. Il a les traits de Jupiter, mais avec une expression bornée ; il y a lieu de s’étonner que le corps et les jambes soient si courts pour un buste si puissant. — Les deux dieux des eaux qui ornent l’escalier du palais du Sénat au Capitole [h] et deux autres placés