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En tête de notre énumération, nous plaçons, comme il est juste, le père des dieux et des hommes, en qui les Grecs ont certainement exprimé l’idéal de la puissance et de la majesté. De cette statue, dont la vue était pour les Grecs une condition de vie heureuse, du Jupiter (Zeus) Olympien de Phidias, nous n’avons que des images misérables conservées par les médailles. À en juger d’après elles, l’œuvre de Phidias était plus calme, plus simple et plus solennelle que ces créations plus nouvelles et imposantes dans lesquelles on croyait autrefois posséder des rééminiscences et des reproductions exactes de la statue d’Olympie, par exemple, le Jupiter colossal provenant de la maison Verospi (Vatican [a], à l’extrémité de la salle des Bustes) qui trône, la poitrine nue, tenant le carreau (restauré) dans la main droite, au lieu de la Victoire, comme l’avait conçu Phidias, et le sceptre dans la main gauche. Le célèbre buste d’Otricoli (Vatican [b], Sala rotonda) nous présente plutôt une transformation de l’idéal de Jupiter, dans la seconde moitié du quatrième siècle av. J.-C., qu’une tête du dieu telle que Phidias l’avait sculptée. On reconnaît encore cet air « tranquille et doux », la tête majestueuse a une expression de clémence et de faveur divine avec un léger sourire. Il restait assez de la chevelure pour restaurer parfaitement ce qui manquait, y compris tout le derrière de la tête. Les traits ne sont pas réellement humains, les linéaments du visage qui sont calculés en vue de l’expression, apparaissent plutôt transformés et mis en relief en veitu de lois idéales. Ainsi en renforçant le milieu de l’os frontal ou la peau du front, on a eu l’intention d’indiquer la plus puissante volonté et en même temps la plus haute sagesse. Les yeux, admirablement faits, sont en même temps profonds et saillants, le nez (un peu restauré) forme avec le front un angle non pas rentrant, mais légèrement saillant, qui exprime l’impassibilité. (Cela semble un paradoxe, et je ne peux le développer ici ; je me contente de faire remarquer le type grec opposé, tel que le nez relevé des Barbares et des Satyres, tandis que le front de Silène est encore saillant). Les lèvres enfin, qui malheureusement ne sont pas entièrement antiques, réunissent la douceur et la majesté à un degré que n’atteint aucune bouche humaine. Dans cette tête, la chevelure et la barbe sont plus expressives que dans toute autre. En elles circule comme une force divine surabondante. Les boucles du front surtout sont, dans certaines figures divines, comme le symbole d’une flamme. Le Jupiter que nous décrivons ne serait plus Jupiter, s’il portait des cheveux courts ou unis, de même que certains types d’Apollon sans le krobylos (touffe de cheveux sur le front) ne seraient pas Apollon.

Les autres têtes de Jupiter restent bien au-dessous de cette œuvre. Il en est ainsi même de la belle tête conservée au Musée de Naples (salle 1) [c], où se trouve aussi, dans la salle de Jupiter, la demi-statue colossale du dieu traitée d’une manière un peu décorative, et provenant du temple