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Les caractères du style hiératique se gravent facilement dans la mémoire. La loi du contraste dans les proportions des membres, qui donne à l’attitude du corps l’aisance et la grâce, est mise de côté avec préméditation et à sa place on observe la symétrie la plus exacte des épaules, des bras, des hanches, etc. Les mouvements sont raides et d’une force exagérée ou d’une grâce affectée : les dieux marchent sur la pointe des pieds, tiennent des flambeaux ou des sceptres avec deux doigts seulement etc. La chevelure est arrangée en innombrables boucles symétriques ; la draperie a mille petits plis d’une régularité parfaite, qui se terminent à chaque bord ou retroussis par des zigzags toujours les mêmes. L’expression des têtes, dans les œuvres où elles sont assez grandes, consiste en un sourire froid comme celui d’un masque ; le front est plat, le nez pointu, les oreilles placées haut, les coins de la bouche relevés, le menton remarquablement fort. Il faut comparer les moulages des groupes originaux de style grec ancien, provenant des frontons du temple d’Égine et conservés à l’Académie S. Luca [a] avec les imitations postérieures de ce style ou les reproductions libres : la Pallas marchant[1] (Villa Albani), salle des reliefs, où l’on voit encore plusieurs œuvres de ce genre [b] ; plusieurs têtes dans la Galleria geografica du Vatican [c] ; l’Apollon marchant [d] et tenant en main un chevreuil, au Musée Chiaramonti (Vatican), reproduction libre et récente d’un modèle ancien) ; — la Pallas d’Herculanum marchant [e], au Musée are naples (corridor 3), la tête est moderne ; — une statuette de bronze [f] au même musée (salle des petits bronzes) ; — la statuette d’Isis [g], demi-égyptienne, demi-hiératique (encore à Naples, salle égyptienne) ; — une Diane marchant [h], dont le vêtement est bordé de rouge (à Naples, corridor 3).

Dans les reliefs, le style hiératique exigeait la symétrie parfaite même des mouvements, et une égale distance entre les figures de même importance. Parmi les plus beaux travaux de ce genre, on peut citer : un autel avec des têtes de bacchantes [i] au Musée Chiaramonti du Vatican (le relief des trois Grâces [j] qui s’y trouve aussi est exécuté d’après un original datant environ de 450 av. J.-C. ; une autre reproduction ancienne se voit à l’acropole d’Athènes) ; — un autel quadrangulaire des douze grands dieux est exposé au lieu qu’on appelle le Café de la Villa Albani [k] ; — un panneau avec quatre dieux dans la salle des reliefs (même musée) ; — l’apparition d’Apollon au temple de Delphes, au dessus de la porte de la salle principale (même musée) — un autel circulaire des douze grands dieux dans la galerie supérieure du Musée Capitolin [l], etc.

Mais comment prouver que ces œuvres ne sont pas véritablement primitives et ne sont que des imitations du style archaïque ? En fait, il se passa du temps jusqu’à ce que l’archéologie vît clair sur ce point. Main-

  1. Copie un peu timide d’un original grec ancien ; elle date probablement des premiers temps de l’empire.