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longueur raisonnable, l’effet d’une belle main posée sur un vêtement de pourpre, tous ces traits annoncent une manière nouvelle de concevoir le beau, une tendance inconsciente vers l‘idéal de l’antiquité classique. Dans d’autres descriptions Boccace parle d’un front uni (non bombé comme au moyen âge), d’yeux bruns fendus en amande, ayant une expression sérieuse, d’un cou rond et plein ; il n’oublie pas le « petit pied » d’origine toute moderne, et à une nymphe aux cheveux noirs il donne déjà « deux yeux vifs et fripons [1] », etc.

Je ne sais pas si le quinzième siècle a laissé des documents écrits sur son idéal de beauté ; malgré les œuvres des peintres et des sculpteurs, il serait plus utile qu’on ne le dirait au premier abord d’avoir une théorie de l’idéal à cette époque [2], car il se pourrait bien qu’en face du réalisme des artistes, les écrivains eussent établi des lois particulières à cet égard. Au seizième siècle apparaît Firenzuola avec son remarquable écrit sur la beauté féminine [3]. Il faut avant tout distinguer ce qu’il a appris d’auteurs et d’artistes de l’antiquité, comme les proportions du corps calculées d’après la longueur de la tête, certaines idées abstraites, etc. Ce qui reste est le produit de ses observations personnelles, qu’il appuie d’exemples

  1. Due occhi ladri nel loro movimento. Tout le livre est plein de descriptions de ce genre.
  2. Le très-beau recueil de chants de Giusto de’ Conti ; la bella mano (souvent réimprimé ; la meilleure édition est celle de Florence, 1715), ne donne pas même sur cette main célèbre de sa bien-airaée autant de détails que Boccace en donne dans dix endroits de son Ameto sur les mains de ses nymphes.
  3. Della belleza delle donne, dans le tome I des Opere di Pirensuola, Milano. 1802. — Pour ses idées sur la beauté corporelle comme Indice de la beauté de l’âme, comp. vol. II, p. 48 à 52, dans les Ragionamenti qui précèdent ses nouvelles. — Parmi les nombreux auteurs qui, suivant en partie l'exemple des anciens, soutiennent celte idée, nous ne nommerons plus que Castiglione, il Cortigiano, t. IV, fol. 176.