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CHAPITRE PREMIER. — VOYAGES DES ITALIENS.

Le véritable auteur de la découverte n’est pas celui que le hasard conduit le premier sur tel ou tel point ; c’est celui qui cherche et qui trouve ; il partage les idées et les intérêts de ses devanciers, et le compte qu’il rend de ses explorations rappelle ces traditions communes. Aussi les italiens seront-ils toujours, vers la fin du moyen âge es explorateurs par excellence, même si on leur contestait l’honneur d’avoir été les premiers à aborder sur tel ou tel point d’un littoral quelconque.

C’est à l’histoire spéciale des découvertes qu’il appartient de prouver la vérité de cette proposition[1]. Mais on en revient toujours à admirer la grande figure de l’illustre Génois qui rêvait un nouveau continent par delà l’océan Atlantique, qui le chercha et le trouva, et qui, le premier, put dire : Il Mondo è poco, la terre n’est pas aussi grande qu’on le croit. Pendant que l’Espagne envoie aux Italiens un Alexandre VI, l’Italie donne aux Espagnols Christophe Colomb ; quelques semaines avant la mort de ce pontife (7 juillet 1503), l’illustre voyageur date de la Jamaïque sa magnifique lettre aux ingrats souverains catholiques, cette lettre que la postérité ne pourra jamais relire sans la plus profonde émotion. Dans un codicille ajouté à son testament, codicille écrit à Valladolid, le 4 mai 1506, il lègue « à sa chère patrie, la république de Gênes, le livre de prières que lui avait donné le pape Alexandre, et où il a trouvé de si puissantes consolations au milieu de la captivité, des combats et des tribulations de toute sorte ». On dirait une lueur d’humanité éclairant le terrible nom de Borgia.

De même que pour l’histoire des voyages, nous devons nous borner à quelques observations sur les progrès de la

  1. Comp. O Peschel, Histoire de la géographie, 2e éd. par Sophus Ruge. Munich, 1877. Voir p. 209 ss. et passim.