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complète, ainsi que sa sœur bâtarde, la caricature. Quoi qu’il en soit, ces comédies italiennes ont été, si nous ne nous trompons, les premières comédies en prose, les premières aussi qui aient été écrites dans un ton tout à fait réaliste ; aussi l’histoire de la littérature générale de l’Europe ne doit-elle pas les oublier.

Les tragédies et les comédies se succèdent sans fin ; on ne cesse pas non plus de jouer une foule de pièces antiques et modernes ; mais ces représentations ne sont que le prétexte de fêtes où chacun veut déployer le luxe que comporte son rang. Aussi le génie de la nation s’est-il entièrement détourné de ces drames sans vie. Dès que parurent la bergerie et l’opéra, les tentatives dont nous avons parlé n’ont plus de raison d’être.

Un seul genre était et resta national : c’est la commedia dell‘arte, qui était improvisée d’après un plan défini. Mais elle a peu d’influence sur l’art de peindre les caractères, parce qu’elle n’a qu’un petit nombre de masques, toujours les mêmes, que tout le monde connaît par cœur, au physique comme au moral. Vu ses aptitudes et ses instincts, la nation se fit bien vite à ce genre ; aussi, même au milieu de la représentation de comédies écrites, on se livrait à l’improvisation [1], habitude qui produisit un genre mixte. Telles étaient peut-être les comédies que représentèrent à Venise Antonio da Molino, surnommé Burchiello, et, après lui, la troupe d’Armonio, de Val. Zuccato, de Lod. Dolce, etc. [2] ; on sait de Burchiello qu’il s’entendait à renforcer l’effet comique en employant un dialecte vénitien mélangé de

  1. C’est ce que veut dire sans doute Sansovino, Venezia, fol. 168, quand il se plaint que les recitanti gâtent les comédiens con invenzioni o personnagi tropo ridicoli.
  2. Sansovino, ihid.