Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée
28
LA DÉCOUVERTE DU MONDE ET DE L’HOMME.


richesse de détails un magnifique effet du soleil couchant.

Pourtant on trouve aussi parfois chez les poëtes des tableaux de genre, de charmantes descriptions champêtres qui viennent se mêler à l’expression de leurs sentiments habituels. Tito Strozza décrit dans une élégie latine[1] (vers 1480) le séjour de celle qu’il aime ; c’est uoe vieille maisonnette tapissée de lierre, avec des fresques représentant des images de saints qui sont toutes dégradées par le temps ; elle est cachée au milieu d’un bouquet d’arbres ; à côté s’élève une chapelle qui a souvent souffert des crues du Pô qui passe tout auprès ; dans le voisinage le chapelain laboure ses sept maigres arpents avec des bœufs qu’on lui a prêtés. Ce n’est pas une réminiscence des poëtes élégiaques romains, ce sont des impressions toutes modernes ; à la fin de celte partie nous trouverons un pendant à cette description : c’est un tableau plein de vie et de naturel qui représente la vie champêtre.

On pourrait objecter que nos maîtres allemands du commencement du seizième siècle excellent parfois dans ces descriptions réalistes, comme Albert Dürer, par exemple, dans sa gravure de l’Enfant prodigue [2]. Mais autre chose est un peintre élevé dans le réalisme, qui se laisse aller à faire des tableaux de ce genre, et un poëte habitué â idéaliser, à user de l’appareil mythologique, qui descend dans ia réalité parce qu’un besoin intérieur l‘y pousse. De plus, ici comme dans les descriptions de la vie champêtre, la priorité appartient aux poëtes italiens.

  1. Strozzii Poetœ, dans Ehotica, L VI, fol. 183, dans le poëme ; tTortatnrse tpse, «î ad amicamprnperH.
  2. Comp. Thad«ing, Oôm*, Leipzig, 187«, p. 18«.