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312 MŒURS ET RELIGION.

presque à la même époque (1340), et qu’uu des grands maiires de l’école vénitienne, probablement Giorgione,a retracée dans un tableau étrange ; U montre une galère pleine de dénions qui traverse, rapide comme une flèche, la lagune agitée par la tempête, pour aller détruire la ville coupable ; mais trois saints, qui étaient entrés sans être reconnus dans la barque d’un pauvre batelier, conjurent les démons, et leur galère s’engloutit dans l’abîme *. A cette cr(»yauce vient s’ajouter l’idée mensongère qu’au moyen des conjurations l’homme peut se mettre en contact avec les démons et obtenir leur secours pour satisfaire sa cupidiié, son ambition et sa sensualité. A l’origine, le nombre des prétendus conjuratcurs de démons était bien supérieur à celui des vrais coupables ; ce n’est que lorsqu’on brûla de soi-disaui magiciens et de soi-disant sorcières que les conjurations réelles et la magie exercée avec intention commencèrent à se multiplier et à se répandre. C’est la mort d’une foule de victimes innocentes qui troubla les imagiualions et qui suscita ds véritables magiciens, sans compter tous les gens sans aveu qui voyaient dans la magie un moyen d’exploiter la crédulité publique.

^ Une autre opinion sur les démons a été émise par Geor Gemisthos Pletho. dans le grand ouvrage pliilosopliique 01 vé[joi, dont il ne reste aujourd’hui que des fragoie ts cd, Alei.m îre, Paris, 1858), mais que les italiens du quinzième siècle connaissaient d’une manière plus complète sous forme de copies peut être ou par la tradition. Il a certainement exercé une graniJe iiiHiieiu e sur la culture philosophique, politique et leligieuse du (etnps. D’après lui, les démons, qui faisaient partie de la ca égorie des dieui de troisième rang, étaient à l’abri de toute eiTtur et étaient « capables de suivre les traces des dieux places au-dessus d’eux, des esprits qui apportent aux hommes tes bien^ qui émanent de Jupiter et qui descendent jusqu’à eux en pa^satii par les autres dieux ; ils veillent sit rhomme, le purifient, élevini et fortifient son âme ». Comp. surtout Frédéric Schliltze, Haïoire de la philo-Sophie delà lîenocesance, t. I, léüa, 1874.