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anneaux, que Lessing entre autres a mise dans la bouche de son Nathan, après que, bien des siècles auparavant, elle avait été racontée plus timidement dans les Cent vieilles Nouvelles (nouv. 72 ou 73), et un peu plus librement par Boccace[1]. On ne découvrira jamais dans quel coin de la Méditerranée et dans quelle langue elle a vu le jour ; il est probable qu’à rorigine elle était encore bien plus nette que dans les deux rédactions italiennes. La restriction secrète qui en fait le fond, c’est-à-dire le déisme, reparaîtra plus bas. La phrase connue sur « les trois individus qui ont trompé le monde », savoir Moïse, le Christ et Mahomet, reproduit la même idée sous une forme brutale et méchante[2]. Si l’empereur Frédéric II, à qui l’on attribue le propos, pensait de la sorte, il a dû s’exprimer d’une manière plus spirituelle. On trouve de semblables crudités dans l’islamisme de cette époque.

  1. Decamerone, I, nov. 3. C’est lui qui le premier nomme la reliçion chrétienne, tandis que les cent Antiche Nov. la passent sous silence. Sur une vieille source française du treizième siècle voir Tobler. Li di dou vrai aniel, Leipzig, 1871 ; sur le récit en hébreu d’AD. Abdulafla (né en Espagne en 1241, qui, vers 1290, se trouvait en Italie, où il voulait convertir le Pape au judaïsme), dans lequel deux serviteurs prétendent posséder la pierre précieuse enfouie pour le fils, voir Steinschneider, Littérature polémique et apologétique en langue arabe (Lpz., 1877), p. 319 et 360. Il résulte de ce récit et d’autres du même genre qu’à l’origine l’histoire était moins nette (dans Abul. p. ex., ce n’est positivement qu’une polémique contre le christianisme), et que la doctrine de l’égalité des trois religions est une addition postérieure. — Comp. aussi Reuter (note 2 ci-dessous), II, p. 302 ss., 390.
  2. De tribus impostoribus, ce qui est aussi, on le sait, le titre d’un des nombreux écrits attribués à Frédéric II ; écrit qui ne répond d’E. Weller, Heilbronn, 1876. La nationalité de l’auteur (Allemand, Français ou Italien) es discutée aussi vivement qu’à l’époque de la composition (treizième et dix-septième siècle). Sur le point discuté, notamment sur ce qui concerne Frédéric II, voir la très-remarquable étude de H. Reuter, Histoire de la culture religieuse au moyen âge (Berlin, 1877, II, p. 273-302).