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CHAPITRE II. —LA RELIGION DANS LA VIE JOURNALIÈRE. 255 force de l’habitude et la puissance des premières impres¬ sions; le goût de la pompe que l’Église déployait dans ses fêtes contribuait à les entretenir; enfin de temps à autre venait une de ces grandes épidémies de pénitence qui avaient raison des cœurs même les plus endurcis. Mais il n’est pas raisonnable, en pareille matière, de vouloir arriver à des résultats positifs et constants. Il sembîerait, par exemple, que l’attitude des gens éclairés en présence des reliques de saints dût nous édifier, du moins en partie, sur leurs sentiments religieux. Dans la réalité on trouve des différences de degré, mais bien moins sensibles qu’on ne le voudrait. C’est tout d’abord Venise qui semble avoir, au quinzième siècle, pratiqué le culte des reliques qui régnait alors dans tout l’Occident. (T. i, p. 93.) Même des étrangers qui vivaient à Venise faisaient bien d’accepter ces idées*. Si nous pouvions juger la savante Padoue d’après son topographe Michel Savonarole (t. I, p. ,t84), nous dirions qu’elle suivait l’exemple de Venise. Michel nous raconte avec un senti¬ ment de respect mêlé de terreur que dans les grands dangers on entend, pendant la nuit, les sainis gémir par toute la ville, que le cadavre d’une sainte nonne du cou¬ vent de Sania-Chiara garde les apparences de la vie, que les ongles et les cheveux de la sainte ne cessent de pousser, que, dès qu’un danger menace, elle fait du bruit, lève les bras, etc.». Quand il fait la description de la chapelle de Saint-Antoine, au Santo, l’auteur tombe tout à fait dans la rêverie et la divagation. A Milan, le

  • C’est ce qu’a fait Sabellico, De situ Venetoi urhU. II cite, il est

vrai, les noms des saints de l’Église, à l’exemple de plusieurs phi¬ lologues, sans ajouter les mots aanctus oa divus; mais il rappelle une foule de reliques, parait leur vouer un saint respect, et se vante même, à propos de quelques-unes, de les avoir baisées. » De laudibus Patatni, dans Mdrat , XXIV, col. 1149 à 1161,