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946 MŒURS ET RELIGION. allaient écouter son rival Fra Mariano da Genazzano; mais la parole de Savonarole était empreinte de cette haute puissance personnelle qu’on n’a plus retrouvée jusqu’à Luther. Lui-méme appelait cela de rillumination; aussi ne craignait-il pas de placer la prédication très- haut : dans la grande hiérarchie des esprits, disait-il, le prédicateur vieut immédiatement après le dernier des anges. Ce personnage extraordinaire fait quelque chose qui est encore plus étonnant que ses prodigieux sermons : il anime du même esprit le couvent dominicain de Saint- Marc et tous les couvents dominicains de la Toscane, et à sa voix tous entreprennent spontanément une grande réforme. Si l’on sait ce qu’étaient les couvents d’alors et quelles énormes difficultés présentait le moindre changement à introduire chez des moines, on sera dou¬ blement frappé d’une transformation aussi complète que celle dont nous parlons. Lorsque l’œuvre de la réforme fut commencée, elle prit de la consistance par le fait que l’Ordre de Saint-Dominique fit de nombreux prosé¬ lytes. Les fils des premières familles entrèrent comme novices au couvent de Saint-Marc. Celte réforme de l’Ordre, accomplie dans un pays déterminé, était le premier pas vers l’établissement d'une Église nationale, qui aurait été la conséquence inévitable de ia prolongation d’un pareil état de choses. Sans doute Savonarole lui-méme rêvait une réformation de l’Église tout entière ; dans ce but il adressa, même vers la fia de sa carrière, des exhortations pressantes aux potentats pour les décider à réunir uu concile. Mais son Ordre et son parti étaient déjà devenus pour la Toscane le seul organe possible de son esprit, tandis que les contrées voisines restaient fidèles au passé. L’esprit de renonce¬