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CHAPITRE PREMIER. — LA MORALITÉ. 219

nous le fail connaître, nous arrivons au résultat suivant. Le défaut capital de ce caractère est en même temps ce qui en fait la grandeur : nous voulons parler du développement de riüdividualisme. L’individu commence par se détacher moralemeat de l’État, qui la plupart du temps est tyrannique et illégitime ; dès lors tout ce qu’il veut et fait lui est imputé, à tort ou à raison, comme trahison, A la vue de l’égoisme triomphant, il entreprend lui-même de défendre son droit ; il se venge et devient la proie des plus funestes passions, tandis qu’il croit rendre la paix à son cœur. Son amour se tourne de préférence vers un autre individualisme également développé, c’est-à-dire vers la femme de son prochain. En face des pouvoirs et des lois qui tendent à l’arrêter, il a le sentiment de sa supériorité personnelle ; il ne consulte que lui-méme en toute circonstance et se décide à agir selon que l’honneur et l’intérêt, la prudence et la passion, la crainte et la vengeance se concilient dans son âme.

Or, si l’égoïsme, dans le sens le plus large comme dans le sens le plus étroit du mot, était la racine de tout mal, ritalien cultivé de la Renaissance aurait été par là même plus près du mal que d’autres peuples. Mais chez lui ce développement individuel a été fatal et non volontaire ; c’est surtout grâce â la culture italienne qu’il s’est étendu aux autres peuples de l’Occident et qu’il est devenu depuis le milieu supérieur dans lequel ils vivent. Il n’est ni bon ni mauvais par lui-méme, mais il est nécessaire ; il est la condition du bien et du mal moderne, qui ont pour nous une tout autre valeur que pour le moyen âge.

C’est rilaiien qui a eu le premier à soutenir le choc puissant de celte révolution dans l’histoire du monde.