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196 MŒURS ET RELIGION.

Ces vendettes, qui se prolongeaient souvent pendant plusieurs générations, dans lesquelles intervenaient même les parents éloignés et les amis des familles ennemies, s’étendaient jusqu’aux classes les plus élevées. Les chroniques, aussi bien que les recueils de nouvelles, fourmillent d’exemples ; ce qui y domine, ce sont des actes de vengeance accomplis par des maris outragés. Le terrain classique pour cela était surtout la Romagne, oü la vendelle se mêlait à toutes les divisions, quelle qu’en fût rongiiie. La légende fait parfois un tableau terrible des passions féroces qui s’étaient déchaînées parmi ce peuple jadis si fier et si généreux. Telle est, par exemple, l’histoire de ce Ravennate de haute condition qui tenait ses ennemis réunis dans une tour et qui aurait pu les brûler ; a iiea de leur ôter la vie, il les laissa sortir de leur prison, les embrassa et les traita magnifiquemenl ; mais la honte et la fureur les rendirent encore plus acharnés à la perte de leur généreux vainqueur*. Des moiues d’une piété exemplaire ne cessaient de prêcher la réconciliation, mais tout au plus parvenaient-ils à diminuer le nombre des assassinats, sans pouvoir empêcher absolument de nouvelles querelles et de nouveaux meurtres. Les nouvelles nous représentent souvent cette intervention salutaire de la religion, ces transports de générosité, ces retours de fureur provoqués par un passé que rien n’efface. Le Pape lui-même n’était pas toujours heureux dans ses tentatives de réconcilialion : « Paul II voulait mettre fin à la querelle qui avait éclaté entre Antonio Caftarello et la maison Alberino. Il fit venir Giovanni Alberino et Antonio Caffarello, leur ordonna de s embrasser et leur défendit, sous peine de deux cents ducats d’a-

  • Giralüi, HecaUmmîthi, I, nOV, 7,