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194 MOEURS ET RELIGION. lui promet sous des couleurs tellement vives qu’il sacrifie tout à Tespoir de gagner. Il est certain que les peuples mahométans l’auraient précédé dans cette voie si, dès le début, le Coran n’avait fait de l’interdiction du jeu la sauvegarde de l’islamisme, et s’il n’avait poussé l’imagination des musulmans vers la découverte de tré¬ sors cachés. En Italie, la fureur du jeu devint générale, et plus d’une fois elle compromit ou ruina l’eiistence des individus. Dès la fin du quatorzième siècle, Florence a son Casanova, un certain Buonaccorso Pilti qui, en voyageant continuellement comme marchand, partisan, spéculateur, diplomate et joueur de profession, gagna et perdit des sommes énormes, et qui ne pouvait plus avoir pour partenaires que des princes, tels que les ducs de Brabant, de Bavière et de Savoie La grande urne de loterie qu’on appelait la curie romaine habituait aussi son monde à un besoin d’excitation qui, dans les inter¬ valles de repos que lui laissaient les grandes intrigues de la cour pontificale, ne trouvait à se saiisfaire que par le jeu de dés. Franceschetto Cybo, par exemple, perdit un jour en deux coups, en jouant contre le cardinal Raphaël Riario, la somme de 14,000 ducats, et se plaignit ensuite an Pape que son adversaire eût triché ». On sait que Tltalie devint dans !a suite la patrie de la loterie. C’est encore l’imagination qui, en Italie, donna à la vengeance son caractère particulier. Sans doute le sen¬ timent du droit a dû être de tout temps le même dans tout l’Occident, et chaque fois que la justice était violée impunément, il a dû se manifester de la même manière

  • Voir son Journal sous forme d'extrait dans Dcjlbcluzb, Flo¬

rence et ses viemitudes, vol. 2. » Infessura, ap. EccARD, Script,, II, col. 1992. Si» F. C. VOIT plUS haut, t. I, p. 137 ss.