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CHAPITRE PREMIER. - LA MORALITÉ. iîQ

comment ferons-nous pour démêler ces mille courants où rintelligence et la moralité se mêlent et se confondent sans cesse ? Sans doute, il y a une appréciation personnelle qui a pour guide la conscience ; mais qu’ou fasse grâce aux peuples de sentences générales. Le peuple le plus malade en apparence peut être près de la guérison, et un peuple sain d’apparence peut renfermer dans son sein un puissant germe de mort, dont le moment du danger seul révèle Texistence.

Au commencement du seizième siècle, lorsque lu culture de la Renaissance était arrivée à son apogée, et qu’en même temps la ruine politique de la nation éluit irrévocablement décidée, il ne manquait pas de penseurs sérieux qui rattachaient cet abaissement au relâchement des mœurs. Ce ne sont pas de ces prédicateurs fanatiques qui, chez tous les peuples et à toutes les époques, se croient obligés de tonner contre la corruption du siècle ; c’est un Machiavel, qui dit sans détour* : Oui, nous autres Italiens, nous sommes profondément irréligieux et dépravés. — Un autre aurait dit peut-être : Nous sommes remarquablement développés au point de vue individuel ; la race nous a affranchis des mœurs et de la religion, et nous méprisons les lois extérieures, parce que nos princes sont illégitimes et que leurs fonctionnaires et leurs juges sont des hommes abjects. —Machiavel lui-méme ajoute ; parce que l’Église, dans la personne de ses ministres, donne l’exemple le plus funeste. Devons-nous dire encore : « parce que l’antiquité a exercé une influence fâcheuse » ? En tout cas, une pareille hypothèse comporterait de nombreuses restrictions. Tout ’ Diseont, 1. I, c. xii. Voir aussi c. LY : L’Italie, dit l’auteur, est plus corrompue que tous les autres pays ; après elle Tiennent les Français et les Espagnols.