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188 MŒURS ET RELIGION.

nationales. 11 faut laisser faire les auteurs qui aiment à condamner les peuples en masse et à prendre parfois à leur égard le ton le plus acerbe. Des peuples occidentaux peuvent se malmener les uns les autres, mais heureusement ils ne peuvent pas se juger. Une grande nation dont la vie se trouve mélëe à celle de tout le monde moderne par suite de sa culture et de son hisioire, ne prête pas Toreille aux accusations ni même aux critiques bienveillantes ; elle poursuit sa carrière avec ou sans l’approbation des théoriciens.

Aussi ce qui suit n’est-il pas un jugement, mais simplement une série d’observations qui sont le résultat naturel de plusieurs années d’études sur la Renaissance italienne. La valeur de ces notes est (fautant plus modeste que la plupart du temps elles se rapportent à la vie des classes élevées de la société italienne, que nous connaissons infiniment mieux, en bien comme en mal, que Thistoire intime d’autres peuples européens. Mais parce que la gloire et la honte sont plus éclatantes ici qu’ailleurs, nous n’en sommes pas plus avancés pour dresser le bilan général de la moralité. Quel œil pourrait sonder les profondeurs où se forment les caractères et ies destinées des peuples, oü les qualités naturelles et les qualités acquises composent un tout nouveau, où le caractère primordial se refond deux on trois fois, où même des dons intellectuels qu’à première vue on serait tenté de regarder comme primitifs ne sont qu’une acquisition relativement tardive et nouvelle ?

Par exemple, l’Italien d’avant le treizième siècle

avait-il déjà cette vivacité, celte aisance, celte sûreté de l’homme accompli, cette faculté d’animer en se jouant tous les objets, soit par la parole, soit par la forme, qui l’a distingué depuis ? — Et si nous ignorons ces choses,