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sentée « avec d’horribles dents de fer » ; la Gourmandise se mord les lèvres, elle a les cheveux emmêlés et ébouriffés, etc. Ce dernier trait est sans doute destiné à montrer qu’elle est indifférente à tout et qu’elle ce songe qu’à manger, Nous ne pouvons pas examiner ici combien ces erreurs étaient fâcheuses dans l’art plastique. Celui-ci pouvait, ainsi que la poésie, s'estimer heureux quand à l’allégorie répondait une figure mythologique, c’est-à-dire par une forme léguée par l’antiquité et garantie contre l’absurdité par cela même, quand on pouvait faire de Mars l’image de la guerre, de Diane celle de la chaise [1], etc.

Disons cependant que dans l’art et dans la poésie il y avait aussi des allégories plus heureuses, et l’on admettra bien, à propos des figures de ce genre qui paraissaient dans les fêtes italiennes, que le public voulait qu’elles fussent parlantes, puisque sa culture générale le mettait à même de comprendre les formes allégoriques. À l’étranger, surtout à la cour de Bourgogne, on se contentait encore à la même époque de figures très-énigmatiques, et même de simples symboles, parce qu’il était encore de bon ton d’étre ou de paraître initié à ces mystères. Dans la cérémonie du fameux vœu du faisan (1453) [2], la belle et jeune écuyère qui représente la reine des plaisirs est la seule allégorie vraiment agréable ; les gigantesques surtouts de table avec des automates et des personnages vivants sont des ornements de pure

  1. Cette dernière personnification se trouve dans la Vettatio du cardinal Adrîano da Corneto, qui a été souvent réimprimée, même en Allemagne, par ex. à Strasbourg, en 1513. Ce poëme a pour but de consoler Ascanio de la ruioe de sa maison par le plaisir de la chasse. — Comp plus haut, 1.1, p. 325.
  2. Qui date, à vrai dire, de 1454. Comp. Olivier ni la Marche Mémoires, Chap. XXIX.